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Les lectures d'Akenoï

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Message par Akenoï Ven 12 Aoû 2016 - 10:45

Akenoï a écrit:
Lecture n°13 - 12/08/16


Titre : Paradoxe sur l'architecte

Auteur : Paul Valéry

Date de publication : 1891

Genre : Littérature

Présentation : Voici un court texte de jeunesse d'une demi-douzaine de pages que Valéry écrivit à l'âge de 19 ans et qui parut dans la presse. Il s'agit d'un essai très bref où Valéry aborde un de ses grands thèmes : l'architecture.
Dans ce petit essai, Valéry affirme d'abord que les arts (musique, peinture, etc.), après avoir triomphé au sein de la civilisation occidentale, sont revenus à un stade primitif. "Maintenant, c'est une jeunesse, c'est la frêle et la délicieuse enfance que l'art traverse une fois de plus." Ce qui est une analyse marquante, étant donné l'évolution des courants esthétiques dans les décennies qui ont suivi ce papier (je pense notamment à l'art contemporain).
Mais Valéry dit cependant que l'architecture n'a pas encore - à son époque - effectué ce "retour à la joie". (Alors qu'aujourd'hui on voit ce qu'il en est effectivement advenu !)
Il spécule alors sur le devenir de l'architecture. Pour lui, cet art reflète en fait les "conquêtes culturelles" achevées par les hommes au cours de leur civilisation, et il pense que les grandes œuvres d'arts et les grands esprits des décennies passées ont posé les bases futures de l'architecture. Pour Valéry, les grandes œuvres architecturales du futur puiseront leur inspiration dans Bach, Flaubert, etc. dont le style, ayant imprégné l'esprit des hommes, rejaillira nécessairement sur leur architecture.
Puis il dresse en quelques lignes un portrait de ces espoirs, tout en rappelant le lien fondamental qui existe entre musique et architecture.


Intérêt du texte : Un texte qui nous fait réfléchir sur l'esthétique, à une heure où les décors urbains et ruraux ressemblent à des salissures. Nous voulons tous vivre dans des endroits vivants, et nous avons tous droit à la beauté. Ceci se présente donc à nous comme une piste de réflexion sur le sujet.

Extrait choisi :

Et voici dans l'air bleu le Décor tel un somptueux désir d'enfant réalisé.
Voici comme un prélude annonciateur des rites, l'archivolte s'ouvrir avec des promesses, et les nervures légères incurver leurs gestes adoucis, et les jeunes grâces des arcs jaillir en des inclinaisons féminines de tiges. Par les verrières des mauves et d'obliques lilas sur les dalles tombent, et pleuvent des pluies longues de pierreries.
Et c'est la forêt du silence... Là, les hautes effloraisons des piliers et les colonnes liliales, croissent dans l'ombre fastueuse parmi le rare pavement, - elles qui sont fleuries de fleurs mystérieuses, et qui portent sculptés sous leurs abaques, comme des fruits de l'Arbre de la science, les universels, les magiques symboles.
Et c'est la forêt où l'on oublie, où l'on écoute ! Le long des parois précieuses, coupées par les hiératiques bandeaux, des lotus nimbés d'or, inattendus et purs, épanouissent leurs pâles calices, cueillis peut-être au fond de wagnériennes rêveries, dans les plaines de la lune et traduits en gemmes fondues sur les murailles du sanctuaire.
Mon avis : Un peu candide et grandiloquent, mais très intéressant à lire.

Recommandation : Ce résumé devrait suffire.
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Message par Akenoï Ven 26 Aoû 2016 - 15:51

Akenoï a écrit:
Lecture n°14 - 26/08/16


Titre : Agathe

Auteur : Paul Valéry

Date de publication : 1956 (mais écrit en 1898)

Genre : Poésie

Présentation : Un autre court texte de jeunesse sous la forme d'un poème en prose (et qui tient plus de l'essai naturaliste que de la poésie).
Agathe rend compte des sensations éprouvées par un personnage qui se tient allongé sur son lit, dans le noir, immobile, et qui, sans être stimulé par aucune sensation provoquée par le monde extérieur, tâte le fonctionnement de son propre esprit en train d'exister. Hors du temps ordinaire, la machine intellectuelle continue de fonctionner. Que fait-elle donc lorsque la nuit venue elle ne s'attache à aucun objet matériel ou à aucun objectif ?
Agathe décrit cet état de la conscience très particulier avec un rend poétique élégant. Le poème est inachevé.


Intérêt du texte : Voilà un bref texte de quelques pages à peine qui, pourtant, remonte aux fondations de la psychologie. A la base de toute conscience, il y a ce sentiment profond, que nous émoussons peu à peu sous l'assaut du quotidien et de la vie, qui est celui de la sensation d'exister, et que le philosophe Maine de Biran appelle "le sens intérieur". Pourtant fondamentale, cette sensation est souvent obscure, diffuse, et même un peu irréelle. Ce texte nous plonge donc dans ce monde étrange qui se trouve avant le temps et l'espace, en nous-même.

Extrait choisi :

Il ne m'en coûte rien d'appartenir à ces abîmes, assez véritables de profondeur, et assez vains par leur durée, pour que je sens toute leur force, entre deux fois que je connais la mienne. Je réponds à ce grand calme qui m'entoure par les actes les plus étendus, jusqu'à des monstres de mouvement et de changement. Qu'est-ce qui se renverse avec bonheur, dans le repos, et se détache ? Qui se joue et circule sans habitude, sans origine, et sans nom ? QUI interroge ? Le même répond. Le même qui écrit, efface une même ligne. Ce ne sont que des écritures sur des eaux.
Mon avis : Assez épatant, et rigolo à lire. C'est comme un chatouillis au niveau de la conscience.

Recommandation : Intéressant.

Fin de la série de lectures consacrées à Paul Valéry.
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Message par Akenoï Dim 28 Aoû 2016 - 16:56

Akenoï a écrit:
Lecture n°15 - 28/08/16


Titre : Les Voies de la Liberté

Auteur : Howard Colby Ives

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Date de publication : 1937

Genre : Religion et Spiritualité

Présentation : En 1912, Howard Colby Ives est un Américain, pasteur de l'église Unitarienne, qui malgré sa charge ecclésiastique et sa vocation religieuse ressent un profond sentiment de vide intérieur. En apprenant qu'un prophète venu d'Orient, Abdu'l Baha, arrive en Amérique pour prêcher une religion nouvelle, la curiosité le pousse à venir à sa rencontre.
Or, quand la rencontre se produit, elle bouleverse Colby qui se sent immédiatement en présence d'un être parfait qui commence immédiatement à l'initier à la vie de l'Esprit et à le guider, par ses exemples et ses entrevues, sur le chemin d'un monde immense et neuf. Cette autobiographie spirituelle raconte ainsi la naissance de ce pasteur quarantenaire à un nouveau plan de conscience spirituel sous l'égide d'un grand maître, et constitue un témoignage de la vie et de l’œuvre d'Abdu'l Baha, un grand Saint du XXème siècle.


Intérêt du texte : Le livre a plusieurs intérêts. En premier lieu, il est un ouvrage qui permet au lecteur d'apprendre à connaître, ou d'approfondir sa connaissance de la religion Baha'ie, un mouvement spirituel oriental né en Perse au XIXème siècle et qui compte quelques millions d'adeptes dans le monde aujourd'hui. Ce livre permet de comprendre les spécificités, les commandements, les standards, les idéaux et les préceptes de cette jeune religion abrahamique.
En second lieu, il interroge le lecteur sur sa conscience du monde qui l'entoure et sur sa propre participation à l'édification d'une ère de paix. L'expérience rapportée par Ives se ramène notamment à ceci que de s'affranchir de son ego - qui limite nos perspectives et nous confine à des horizons très restreints - permet d'atteindre peu à peu un niveau de conscience plus vaste et supérieur, et que la mise en pratique de certains idéaux - tant au niveau individuel que collectif - permettrait aisément de faire de la Terre un Paradis. On y lit en outre que Saint-Abdu'l Baha interroge les hommes sur leur capacité à trouver des solutions pour régler les grand maux de notre temps, tout en y opposant des idéaux de solidarité, de concorde et de fraternité. On voit donc ce témoignage mystique et intérieur aboutir de manière très concrète à une réflexion politique.
Enfin, Les Voies de la Liberté nous donne à connaître le personnage très intéressant de Abd'ul Baha, maître spirituel qui plaidait contre le racisme et le sexisme avant même la Première Guerre mondiale, et dont toutes les paroles et actions semblaient - nous dit l'auteur - être emprunts d'une grâce divine qui marquaient tous ceux qui avaient l'occasion de le rencontrer.


Extrait choisi :

Je me tenais donc un peu à l'écart des autres, quand je remarquais à travers la pièce comme une sorte de frémissement. Une porte venait de s'ouvrir, loin de moi, à l'autre extrémité, livrant passage à un groupe de personnes et, sur le seuil, 'Abdu'l-Baha parut, faisant un geste de bienvenue. Il attirait tous les regards. Je fus de nouveau frappé par son air de dignité, de courtoisie, par l'impression d'amour sans pareil qui émanait de sa personne. Les rayons du soleil matinal éclairaient sa robe. Il portait le fez légèrement en arrière et, d'un mouvement qui lui était certainement familier, il leva la main pour le remettre en place. Nos yeux se rencontrèrent au moment où mon regard fasciné se posait sur lui. Il sourit et, d'un geste qu'on peut qualifier de "royal", me fit signe d'approcher. Je ne donnerais qu'une faible idée de mes sensations en disant que je demeurais saisi. Une chose incroyable venait de se produire. Pourquoi me faisait-il ce signe amical, à moi, un étranger, un inconnu, dont il n'avait jamais entendu parler ? Je regardais autour de moi. Ce geste et ce sourire s'adressaient sûrement à quelqu'un d'autre. Mais il n'y avait personne auprès de moi, et de nouveau je le regardais et de nouveau il me fit signe. Malgré la distance qui nous séparait et bien que mon coeur fût encore insensible, un tel flot d'amour et de compréhension m'enveloppa que je frissonnais, comme si la brise d'une aube divine eût effleuré mon front.

Obéissant à cet ordre impérieux, je me dirigeais lentement vers lui, et lorsque j'approchais de la porte sur le seuil de laquelle il se tenait encore, il écarta ceux qui l'entouraient et me tendit la main comme s'il m'avait toujours connu. Puis, quand nos mains droites se touchèrent, il fit de la main gauche un geste pour congédier tout le monde et m'introduisit dans la pièce dont il referma la porte. Je me rappelle combien l'interprète fut étonné d'être inclus, lui aussi, dans le renvoi général. Mais je ne songeais à ce moment-là qu'à la chose incroyable qui m'arrivait. J'étais absolument seul avec 'Abdu'l-Baha. Dès que nos regards s'étaient croisés, le voeu timidement exprimé quelques semaines auparavant, avait été exaucé.

Sans lâcher ma main, 'Abdu'l-Baha traversa la pièce. se dirigeant vers deux chaises placées près de la fenêtre. Même alors, la majesté de sa démarche me frappa, et je me sentais comme un enfant conduit par son père (un père supra-humain) à une conférence réconfortante. Non seulement il me tenait la main, mais il la serrait par instants d'une plus forte étreinte. Alors, pour la première fois, il parla et, s'exprimant dans ma propre langue, m'assura d'une voix douce que j'étais son fils bien-aimé. Je ne puis dire ce qu'il y avait dans ces simples mots pour qu'ils m'aient apporté une telle certitude. Si je me suis senti attendri presque jusqu'aux larmes, faut-il l'attribuer au timbre de cette voix et à l'atmosphère de cette pièce, imprégnée au plus haut degré et comme vibrante d'effluves spirituels ? Je sais seulement qu'une impression de vérité m'envahit tout entier.


-- Tiré du chapitre 1, " Coup d'oeil rétrospectif, faillite spirituelle, un rayon d'espoir, le silence d'or"
Mon avis : Un livre pas trop long à lire qui est pourtant très riche et très complet, extrêmement perspicace et bien écrit, très spirituel et très introspectif, et qui demande compte au lecteur - mais non pas dans un sens moralisateur - de ses pensées, de ses valeurs et de ses actions.

Recommandation : Je recommande chaudement.
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Message par Akenoï Lun 17 Oct 2016 - 17:37

Akenoï a écrit:
Lecture n°16 - 17/10/16


Titre : Dôme

Auteur : Stephen King

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Date de publication : 2009

Genre : Roman

Présentation : Par un matin d'octobre, la petite ville de Chester's Mill, dans le Maine, se retrouve coupée du monde, enfermée sous un gigantesque dôme invisible, un champ de force colossal qui empêche la circulation de la matière entre l'intérieur et l'extérieur. Les habitants de la ville, prisonniers du dôme, sont désormais livrés à eux-mêmes dans un contexte surnaturel très inquiétant.
Mais alors que la solidarité des citoyens est mise à l'épreuve, certains, agissant dans l'ombre, voient dans le dôme une chance de s'emparer du pouvoir.


Intérêt du texte : Un roman épique qui exacerbe les vicissitudes humaines à l'aune d'un phénomène surnaturel. On y suit toutes sortes de péripéties psychologiques ponctués d'éléments policiers et fantastiques. Le récit nous plonge aussi dans les manigances politiques des petites villes américaines.

Extrait choisi :
"_Nous l'appelons le Dôme, reprit Cox, mais ce n'est pas un dôme. Du moins, nous ne pensons pas que c'en soit un. Nous pensons qu'il s'agit d'une capsule dont les limites respectent exactement celles du territoire communal de Chester's Mill. Et quand je dis exactement, c'est exactement.
_Savez-vous à quelle altitude il s'élève ?
_Apparemment, à quinze mille mètres environ. Nous ignorons si le sommet est rond ou plat. Pour le moment."
    Barbie ne dit rien. Il était sidéré.
"_Et quant à la profondeur... qui sait ? Tout ce que nous pouvons dire, pour le moment, est qu'elle dépasse trente mètres. C'est la profondeur que nous sommes en train de creuser sur la ligne de démarcation entre Chester's Mill et la zone sans statut au nord.
_Le TR-90."
    Barbie sentit le ton déprimé, sinistre de sa voix.
"_Peu importe. Nous sommes partis d'une gravière qui était déjà profonde d'une dizaine de mètres. J'ai vu des images spectrographiques qui m'ont laissé sans voix. Notamment de grands pans de roches métamorphiques qui ont été coupés en deux. Il n'y a pas de rupture, mais on voit un léger changement de direction là où la plaque rocheuse plonge au nord. Nous avons vérifié les relevés sismiques de la station météo de Portland, et bingo : on a constaté une secousse à onze heures quarante-quatre. De 2,1 sur l'échelle de Richter. c'est à ce moment-là que ça s'est produit.
_Génial", dit Barbie.

Mon avis : Un gros roman qui donne à boire et manger. Il tient en haleine, crée un suspense incroyable, et m'a même donné des frissons (c'est assez rare pour être mentionné). Le roman est éminemment bien construit. Les intrigues sont géniales, le décor extrêmement fouillé et réaliste. C'est un excellent divertissement.
Je n'ajouterai que deux bémols. D'abord, il arrive que le narrateur soit un peu agaçant.
Mais surtout, l'auteur donne à ses lecteurs de quoi se repaître en termes de sang. King donne du sang à ses lecteurs comme un empereur romain organise des sanglants jeux dans un Colisée : certains détails gores et graveleux, qui n'apportent rien au récit, sont incorporés au roman pour satisfaire un appétit de violence très bas. On s'en serait passé.


Recommandation : Une bonne lecture pour des âmes en quête de divertissement. Vous ne serez pas déçus.
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Message par DrRush Mar 18 Oct 2016 - 20:35

Je suis tenté de le lire, j'ai vu les deux premières saisons de la série tv qui en a été faite, j'avais bien aimé l'histoire mais je ne supportais pas les personnages, plus particulièrement les adolescents ^^
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Message par Akenoï Mar 18 Oct 2016 - 21:25

Le livre et la série sont très différents. Le scénario n'est pas le même. Dans le livre, les ados ne sont pas agaçants.
Je n'ai pas vu la série, je me suis juste renseigné. Ce sont des histoires différentes.
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Message par Akenoï Mer 19 Oct 2016 - 17:45

Akenoï a écrit:
Lecture n°17 - 19/10/16


Titre : Le Symbolisme du Corps Humain

Auteur : Annick de Souzenelle

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Date de publication : 1975

Genre : Religion et Spiritualité

Présentation : Annick de Souzenelle, qui a été successivement mathématicienne, infirmière et psychothérapeute, et étudié la Bible aux mains du rabbin Emmanuel Levyne et de l'évêque orthodoxe Jean Kovalevski, présente dans ce livre une thèse très riche sur le corps humain. D'après l'auteur, le corps que nous possédons est un langage qui exprime des réalités spirituelles très profondes. Ainsi, chaque organe, chaque membre participerait à l'expression d'un programme divin à accomplir, et qui serait inscrit en nous. Ce programme à réaliser consisterait à éveiller peu à peu l'homme à sa véritable vocation, une vocation divine oubliée par l'Occident qui a perdu son sens du mythe.
S'appuyant sur la littérature alchimique, la mystique juive, la psychologie jungienne et les mythologies du monde entier, Annick de Souzenelle dévoile un profond réseau de symboles qui structure et relie toutes les traditions spirituelles à un niveau profond, et dont le corps reflète chacun des aspects. Elle fait parler, textes à l'appui, chaque partie du corps, et replace sa fonction dans un contexte mythologique étayé par la Bible ou des mythologies diverses (grecque, hindoue, hébraïque, chinoise, etc.). Le texte se propose donc de nous faire redécouvrir notre corps à l'aune d'une authentique spirituelle, qui nous relie à la fois à notre passé et au Ciel de la spiritualité.


Intérêt du texte : Livre acclamé depuis plusieurs décennies, Le Symbolisme du Corps Humain constitue une introduction à ce que l'on appelle la "mystique", c'est-à-dire une forme d'enseignement qu'un individu recevrait directement du Ciel, et qui désigne le mouvement intérieur de chaque religion et tradition spirituelle. Cette forme d'initiation, fondamentale à toute vie humaine, qui a été développée par chaque civilisation, a été pour la première fois dans l'Histoire oubliée par un peuple, celui de l'Occident.
Annick de Souzenelle, pour qui "nos textes sacrés nous aident à lire ce qui est écrit à l'intérieur de nous", nous permet de redécouvrir, à travers notre propre corps, ces réalités fondamentales, porteuses de sens, qui éclairent la vie et élargissent largement notre horizon.
Accessoirement, son livre constitue un véritable éclairage sur la Bible, en y explicitant des richesses qui ne sont jamais exploitées, ni même abordées, par les Eglises. L'auteur nous permet donc d'avoir un regard neuf, beaucoup moins moralisateur et autrement plus nourrissant, sur la Bible, mais aussi sur la mythologie grecque et l'alchimie, entre autres choses.


Extrait choisi :

Et beaucoup d’œuvres noires ont l'apparence du blanc. La Toison d'Or, en tout état de cause, est la Toison d'Or. Mais lorsque l'Œuvre au Noir est escamoté, la tunique brûle tôt ou tard celui qui l'a dérobée.

Là est l'insidieux danger que présentent toutes les techniques prétendant mener à l'Œuvre au Blanc, lorsqu'elles ne sont pas enseignées par des Maîtres capables d'éveiller en leurs disciples la conscience de la totalité de l'Œuvre. L'Occident est d'autant plus tenté par ce "faux Blanc" qu'il a été enfermé pendant des siècles dans la contrainte d'un "faux Noir" : le dolorisme chrétien occidental, axé sur une Passion christique qui n'éclate pas dans la radieuse Lumière pascale et sur une Mort au-delà de laquelle ne se conçoit qu'intellectuellement et très vaguement la Résurrection. Cet intellectualisme morbide a imprimé peu à peu dans les cœurs une telle frustration de l'Œuvre au Blanc que la redécouverte de celui-ci s'impose aujourd'hui. L'Occidental cherche à tout prix une expérience métaphysique et pour ce faire la technique qui y conduit. Il part en Inde ou ailleurs, puisque sa terre où ne s'enracine plus la Tradition vivante semble désormais incapable de lui apporter une réponse. Voyages réels à travers l'espace ou voyages artificiels au moyen de la drogue ne sont, au plan phénoménal, que la reprise des grands pèlerinages du Moyen-Age. Déambulations labyrinthiques, ils traduisent le douloureux besoin d'une quête authentique tout en présentant les graves dangers qu'implique l'ignorance.

Le plus grand péché du christianisme occidental est sans doute d'avoir découragé l'Homme de cette démarche personnelle en le persuadant que seul un Dieu était capable de la faire ; le Christ s'en était donc chargé pour lui. Dans cette perspective le "Guide" élimine le voyageur.

Criminelle, diabolique entreprise que celle qui a consisté à mettre entre le Christ et l'Homme l'abîme de la séparation qui le laisse d'un côté ; lui, homme, à peine concerné, en tout cas irresponsable, cependant que de l'autre côté de la barricade Christ dont il est invité à imiter seulement les vertus morales (cf. L'Imitation de Jésus-Christ) lui donne l'image d'un Dieu qu'il ne sera jamais !


-- Tiré du chapitre 14, Le passage de la porte des dieux : l'Œuvre au Blanc. Partie 4, Le faux Œuvre au Blanc ou la conquête de la Toison d'Or.
Mon avis : Un livre précieux, utile, et extrêmement intelligent, qui donne à son lecteur des repères infiniment riches. Les analyses psychologico-spirituelles de Annick de Souzenelle sont salvatrices.

Recommandation : Un livre essentiel pour des gens spirituels qui ne savent pas par où commencer. Toutefois, le livre est un peu technique, et souvent délicat à comprendre, abordant des réalités que l'on a du mal à se représenter. Malgré cela, l'expérience de lecture reste saisissante.
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Message par Akenoï Sam 5 Nov 2016 - 16:11

Grosse frustration, car après une demi-heure d'écriture, mon post s'est effacé et je n'ai pas pu le récupérer. Donc, on recommence.

Akenoï a écrit:
Lecture n°18 - 05/11/16


Titre : Voyages

Auteur : Ibn Battûta

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Date de publication : 1356

Genre : Histoire

Présentation : Ibn Battûta, juriste et hommes d'affaires berbère ayant vécu au XIVème siècle, est souvent considéré comme étant le plus grand voyageur de tous les temps avant l'invention de la machine à vapeur. Né à Tanger en 1304 dans une famille de juristes d'origine berbère, il entreprend à 21 ans le pèlerinage à la Mecque, que tout musulman se doit efforcer d'accomplir dans le cours de sa vie.
S'ensuit alors une série de voyages et de péripéties qui le mèneront sur la route pendant 25 ans, avant de revenir chez lui. Après son retour au Maroc, il continuera encore à voyager.
Son ami, le savant Andalou Ibn Juzayy, s'appuyant sur ses notes et sur ses récits, consignera par écrits (tout en y apportant des enrichissements) les Voyages extraordinaires de Ibn Battûta à travers le monde.
Le Texte est divisé en 3 volumes :
1_De l'Afrique du Nord à la Mecque
2_De la Mecque aux steppes Russes
3_Inde, extrême-Orient, Espagne et Soudan

On peut résumer les voyages de Ibn Battûta comme suit.
Sur la route du grand pèlerinage, qui lui fait traverser le Maghreb, l’Égypte et le Levant, Ibn Battûta s'arrête à Damas, où il reçoit les diplômes qui le consacrent juriste. A la Mecque, où il stationnera plusieurs années et reviendra de nombreuses fois, il commence à nouer des relations importantes.
Après son premier pèlerinage, il devient quelqu'un d'important, et il est systématiquement l'hôte des gouverneurs et des rois dans toutes les villes qu'il traverse. Après de nombreuses péripéties, il s'établit à la cour de Muhammad Uzbek Khan, empereur de la Horde d'Or et descendant de Genghis Khan. Celui-ci le gratifiera de richesses considérables, et Ibn Battûta devient alors quelqu'un de fortuné. Après un bref voyage à Constantinople, où il rencontre l'empereur Andronic III Paléologue, il émigre en Inde pour se mettre au service du sultan de Dehli, Muhammad bin Tughluq, qui règne sur l'ensemble du sous-continent. Celui-ci lui attribue des villages dans les alentours de Dehli, lui confie l'administration d'un ermitage, et l'investit d'une charge de juriste. Il profitera de sa position pour lutter contre une terrible famine, en distribuant de la nourriture à la population.
Après avoir rencontré un saint homme, Ibn Battûta quitte la vie mondaine et sa famille et se retire du monde. Il se fait ascète et mène, pendant plusieurs mois, une vie austère faite de jeûne et de prières, sous la direction de son maître spirituel.
Mais le sultan de Dehli le rappelle à lui pour lui confier une mission d'ambassade auprès de l'empereur de Chine, qu'il est contraint d'accepter. Mais au large des côtes indiennes, les navires qui transportent les somptueux présents destinés à l'empereur Yuan sombrent, ayant percuté des rochers. Redoutant le courroux du sultan, Ibn Battûta se réfugie auprès d'un émir du Gujarat, qu'il aidera à conquérir la ville de Goa, qui résistait à l'influence musulmane.
Après quoi Ibn Battûta part pour les îles Maldives, où il est retenu par le roi pour servir de juriste à la population. Empêtré dans la politique locale, il quitte le pays, et projette de revenir à la tête d'une flotte pour asservir l'archipel. Il part visiter l'émir du Malabar, avec qui il a des liens de parenté par sa femme, pour qu'il communique son projet d'invasion. Mais alors qu'il prépare l'expédition, la peste noire frappe le pays, et Ibn Battûta décide d'annuler le projet. Il part ensuite pour la Chine, après quoi il rentrera au Maroc en faisant de nombreux détours.
Après son retour chez lui, il fera encore deux voyages : un en Andalousie, et un en Afrique occidentale.

J'ai ignoré certaines parties de ses voyages, que vous pouvez trouver dans cette carte.


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Quelques précisions cependant. Une ou deux destinations y ont été oubliées (comme la Sardaigne). Et Ibn Battûta a aussi prétendu effectué deux voyages qui ont été inventés de toutes pièces pour régaler ses lecteurs : un à Bulghar, à 100 km au sud de Kazan, en Sibérie, et un autre à Pékin.



Intérêt du texte : Ibn Battûta, dans ses Voyages, photographie l'Ancien Monde (terme qui désigne l'Europe, l'Afrique et l'Asie, par opposition au Nouveau Monde : les Amériques) tel qu'il est au XIVème siècle, c'est-à-dire à une époque très intéressante.
Ses Voyages se déroulent au moment où éclate la grande épidémie de peste noire, deux générations après les invasions mongoles qui ont ravagé le monde, et dont il garde de terribles stigmates, au moment aussi où la Reconquista bat son plein et où l'Europe est en pleine expansion commerciale.

Dans cette époque trouble, Ibn Battûta est un témoin vivant qui nous permet de garder la mémoire des mœurs, coutumes, affaires politiques, flux commerciaux, architectures, souverains, modes de vie et aspirations de son époque. Ainsi non seulement il dresse un portrait de l'ensemble du monde musulman et de sa périphérie, mais il nous fait découvrir un monde qui n'existe plus, décimé par la modernité occidentale. En ce sens, son livre est une source historique de première importance.


Extrait choisi :

Des habitants de la Mecque et de leurs mérites


Les gens de La Mecque se distinguent par de belles actions, des générosités parfaites, par leur excellent naturel, leur libéralité envers les malheureux, et ceux qui manquent d’appui, enfin par le bon accueil qu’ils font aux étrangers. Une de leurs coutumes généreuses, c’est que, toutes les fois qu’un d’eux donne un festin, il commence par offrir à manger aux fakirs dépourvus de ressources, et assidus près du temple. Il les invite avec douceur et bonté, après quoi il leur sert des aliments. La plupart des pauvres, abandonnés, se tiennent près des fours où les habitants font cuire leurs pains ; et quand l’un d’eux a fait cuire son pain et l’emporte chez lui, ces pauvres le suivent. Il donne à chacun d’eux ce qu’il lui a destiné, et il ne les renvoie pas frustrés, quand même il n’aurait qu’un seul pain. Dans ce cas, il leur en distribue un tiers ou une moitié, de bon cœur, et sans la moindre contrariété.

Une des belles actions des Mecquois, c’est que les petits orphelins ont l’habitude de se tenir assis dans le marché, ayant chacun près de soi deux corbeilles, l’une grande et l’autre petite. Ils appellent cela mictal [panier]. Quand un habitant de La Mecque vient au marché, et qu’il achète des légumes, de la viande et des herbes potagères, il donne tout cela à un de ces garçons, qui place les légumes secs dans l’un des paniers, et la viande ainsi que les herbes potagères dans l’autre. Il apporte le tout à la maison de ladite personne, afin qu’on lui prépare ainsi sa nourriture. Le maître de ces objets s’en va, de son côté, accomplir ses dévotions et s’occuper de ses affaires ; et il n’y a point d’exemple qu’un de ces orphelins ait trompé la confiance qu’on a mise en lui à ce sujet. Au contraire, ils livrent en toute intégrité ce dont ils ont été chargés, et ils reçoivent une récompense fixe en petites pièces de monnaie.

Les Mecquois sont élégants et propres dans leurs vêtements, dont la plupart sont de couleur blanche, et leurs habits sont toujours nets et brillants. Ils font un grand usage de parfums, de collyres, et se servent souvent de cure-dents faits en bois d’arâc vert. Les femmes de La Mecque sont éclatantes de beauté, d’une grâce merveilleuse, et douées de piété et de modestie. Elles aussi emploient beaucoup les odeurs et les onguents, au point que quelques-unes passeront la nuit dans les angoisses de la faim, pour acheter des parfums avec le prix de leurs aliments. Elles font le tour de la mosquée, toutes les nuits du jeudi au vendredi, et elles s’y rendent magnifiquement parées. L’odeur de leurs aromates remplit le sanctuaire, et lorsque l’une de ces dames s’éloigne les émanations de son parfum restent après son départ.



-- Tiré du Livre 1 "De l'Afrique du Nord à la Mecque", partie 4 "Le Pèlerinage à la Mecque"

Mon avis : Un livre qui, contre toute attente, peut être assez barbant. Ibn Battûta est un piètre narrateur. Il ne sait pas planter un décor. Son récit ignore un certain nombre de détails que l'on aimerait bien connaître, par exemple, qui sont ses compagnons avec qui il voyage, ou à quoi ressemblent les bâtiments dans lesquels il vit.
Le texte ressemble ainsi à un journal de bord où les destinations sont indiquées, mais avec tout de même de nombreuses anecdotes en prime.
Certains passages sont tout de même passionnants, et j'ai été très absorbé dans son voyage en Russie, qui m'a vraiment fait voyager.
Outre le récit, le texte est plein de détails très riches. On y apprend de nombreuses choses étonnantes sur cette époque ou certains pays, et Ibn Battûta raconte aussi de nombreuses anecdotes très intéressantes : la chute d'une petite météorite en Turquie que des ingénieurs essayent de fragmenter sans succès, la découverte d'une baleine à Ormuz (poisson "inconnu" de la taille d'une colline), l'utilisation de chiens de traîneaux en Sibérie, l'utilisation de billets de banque en Chine par les citoyens, les exploits surnaturels de yogis Hindous à Dehli qui sont capables de léviter au-dessus du sol, etc.

Ce qui m'a frappé, c'est que les gens de cette époque ont une morale bien moindre que la nôtre (violences, guerres, exécutions, tortures, esclavage), mais un sens de la vertu bien supérieur. Les ascètes et les contemplatifs font partie du tissu social. Les rois sont obligés de nourrir les pauvres et les étrangers. Les citoyens se cotisent pour venir en aide aux pauvres et aux voyageurs. Il y a là un sens du devoir que nous avons perdu.


Recommandation : La traduction que j'ai lu (sur le  site de l'Uqac) avait un énorme défaut : les translittérations ne correspondent pas du tout aux noms de lieux actuels. Il faudrait lire une édition récente, avec des translittérations modernes.
Si vous voulez le lire, il faut aussi avoir internet à côté, car on veut avoir accès à des cartes pour situer le périple de Battûta, et aussi pour faire des menues recherches sur de nombreux éléments historiques présentés par Ibn Battûta.

Pour ma part, je recommande ce texte aux gros lecteurs et aux médiévistes (il y en a parmi nous).

Personnellement, je ne regrette pas d'avoir lu.
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Message par Akenoï Ven 11 Nov 2016 - 18:15

Akenoï a écrit:
Lecture n°19 - 11/11/16


Titre : Essais

Auteur : Montaigne

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Date de publication : 1580 à 1595

Genre : Philosophie

Présentation : Michel de Montaigne est un personnage essentiel de la Renaissance française. Homme d'état et philosophe, il est investi deux fois dans la fonction de maire de Bordeaux (ville à prédominance protestante !), à une époque marquée par les guerres de religion.

Après sa carrière politique, Michel de Montaigne se retire dans une tour de château familial pour y écrire en toute tranquillité ses Essais, qui constitueront un socle de la philosophie française et mondiale, ainsi qu'une des toutes premières œuvres françaises en philosophie, aux côtés du Discours sur la Servitude Volontaire écrit par son meilleur ami, Etienne de la Boétie.

Les Essais constituent une série de méditations sur les sujets les plus sensibles de l'existence humaine : la mort, la politique, le sexe, l'argent, la maladie, la vengeance, l'amour, la cuisine, etc.

Chaque objet constitue en effet une sorte de dissertation qui prend pour objet soit un fait d'actualité, soit un texte antique ou contemporain qu'il s'agit pour Montaigne de commenter, soit un thème banal de la vie quotidienne. A partir d'interrogations extrêmement concrètes et pragmatiques, Montaigne se propose de philosopher pour tenter d'apporter une réponse personnelle, la meilleure possible, à la manière de gérer ces problèmes de l'existence.

Les Essais, qui proposent au lecteur de vivre comme philosophe (plutôt que de philosopher sa vie) affichent un mépris pour les savants contemporains qui s'enferment dans un "pédantisme" intellectualisant privé de sagesse et de tout contact avec la réalité. Montaigne remarque ainsi que certains paysans du village voisin vivent une vie nettement plus saine et proche des idéaux philosophiques (ils sont heureux, spirituellement forts et capables d'un profond détachement) que de nombreux docteurs, qui s'enferment dans leurs livres sans rien tirer de profitable de leurs lectures. Il affirme également de manière exclusive la nécessité de prendre soin de son corps et de l'affectionner, à une époque où un christianisme morbide rejette la chair comme un objet satanique, privilégiant l'esprit.

Pourtant, malgré cette critique acerbe des élites intellectuelles de son temps, dont les Essais constituent une réaction à leur encontre, Montaigne est un homme éminemment lettré, pétri de culture antique. Il se pose ainsi en philosophe stoïcien. Je laisse Wikipédia vous résumer cette doctrine :

Le stoïcisme s'appuie sur la distinction centrale entre d'un côté les choses qui dépendent de nous et sur lesquelles nous pouvons agir et d'un autre côté les choses qui ne dépendent pas de nous et sur lesquelles nous n'avons aucune influence. Pour vivre heureux et libre, selon les stoïciens, il ne faut pas lutter en vain contre ce qui ne dépend pas de nous, mais au contraire l'accepter et nous abstenir des vices et passions qui nous y exposent. Le stoïcisme est donc un eudémonisme basé sur la tempérance et le détachement qui part du postulat que « Ce qui trouble les hommes ce ne sont pas les choses mais les opinions qu'ils en ont. ». Il convient donc d'agir sur ces dernières.

Tout au long des Essais, Montaigne s'appuie sur une tradition Vivante (ou plutôt, qu'il rend, lui, vivante, car l'histoire l'a engloutie il y a bien des siècles !) pour donner des repères dans une époque profondément troublée spirituellement et politiquement. Non content de faire revivre la tradition stoïcienne et de vivre concrètement cet héritage antique du "bien-vivre" (car la philosophie antique est une médecine de l'âme, destinée à améliorer l'existence humaine et la bonifier), Montaigne s'appuie également de manière extensive sur d'autres courants antiques : platonisme et épicurisme (ce dernier courant ayant pourtant été démoli par l'église), ainsi que sur de nombreux historiens, savants et poètes de l'antiquité gréco-romaine.

Montaigne puise ainsi dans le vivier d'une civilisation perdue pour amener de la vie dans une époque qui fantasme sur la mort. Il réintroduit ainsi des thèmes que la philosophie occidentale a depuis (encore) perdu de vue : l'amour de la sagesse, la connaissance de soi, les exercices spirituels, la méditation, la discipline, etc. se posant ainsi comme un maître de vie.

Mais Montaigne, dans sa grande sagesse, ne dit pas écrire les Essais pour guider ses contemporains, non ! Le but des Essais est de s'étudier lui-même, de se "psychanalyser" (pour prendre un terme anachronique), de palper son propre tempérament et la matière même de son existence.

"Que si j'eusse été entre ces nations qu'on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t'assure que je m'y fusse très volontiers peint tout entier, et tout nu. Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre : ce n'est pas raison que tu emploies ton loisir en un sujet si frivole et si vain."

Or, un homme qui rentre en lui-même pour se connaître à fond est un homme qui s'universalise et s'ouvre à tous les autres.

Les Essais sont une suite de petites dissertations intitulées "essais", qui se succèdent sans suite logique. Le Texte est immense, non seulement par son contenu, mais aussi par sa taille, puisqu'il s'étale sur plus de 1100 pages écrits en petits caractères. Il est divisé en trois tomes, et a été l'objet de multiples révisions consistant en rajouts (plutôt qu'en modifications).




Intérêt du texte : Les Essais de Montaigne, c'est un livre de chevet pour tous ceux qui se sentent une âme de philosophe. C'est un livre de Sagesse qui abonde en esprit, au point qu'on croirait l'auteur vivant tellement il est proche de nous par sa modernité.

Un des intérêts du texte, c'est qu'il donne des repères fondamentaux pour vivre son existence, qui sont valables plus que jamais, et ce parce qu'ils s'appuient à la fois sur une expérience authentique et richissime, mais aussi parce que Montaigne fait revivre une science de l'homme qui s'était perdue. Ainsi, pour Montaigne, "La plus grande chose du monde, c'est de savoir être à soi." tandis que "La pire chose pour l'homme, c'est de perdre la connaissance et la gouvernance de soi.".

Ces deux phrases extraites du Texte montrent bien l'idéal et l'anti-idéal de Montaigne, et tous les Essais consistent à comment atteindre l'un en évitant l'autre.

Je reviens également sur l'idée que Montaigne est un véritable philosophe stoïcien, et que ses Essais sont à 100% dans la continuité d'ouvrages comme les Pensées de Marc-Aurèle ou le Manuel d'Epictète, ce qui est un petit miracle littéraire.

Au-delà de ça, les Essais de Montaigne sont une œuvre avec un grand intérêt historique. Déjà parce qu'il s'agit d'une des productions essentielles de la Renaissance et de l'humanisme, et que Montaigne a capté dans son livre les mouvements de son temps. Mais aussi parce que les Essais ont eu une influence considérable sur des auteurs ultérieurs comme Blaise Pascal ou Nietzsche. Et certains experts affirment qu'il a aussi influencé Shakespeare.


Extrait choisi :

    Notre façon ordinaire, c'est d'aller après les inclinations de notre appétit, à gauche, à droite, en haut, en bas, selon que le vent des occasions nous emporte. Nous ne pensons ce que nous voulons qu'à l'instant que nous le voulons, et changeons comme cet animal qui prend la couleur du lieu où on le couche. Ce que nous avons à cette heure projeté, nous le changeons tantôt, et tantôt encore retournons sur nos pas ; ce n'est que branle et inconstance,

[Nous sommes menés comme la marionnette de bois que meuvent des muscles étrangers.] (Horace, Satires, II, vii, 82)

Nous n'allons pas ; on nous emporte, comme les choses qui flottent, ores doucement, ores avec violence, selon que l'eau est agitée ou bonasse :

[Ne voyons-nous pas que l'homme ne sait pas ce qu'il veut et qu'il cherche sans cesse, qu'il change de place comme s'il pouvait se débarrasser de son fardeau ?](Lucrèce, De la Nature, III, 1070)

    Chaque jour nouvelle fantaisie, et se meuvent nos humeurs avec les mouvements du temps,

[Les pensées des hommes sont pareils aux rayons fécondants du soleil dont Zeus lui-même, leur père, a éclairé la Terre.](Homère, L'Odyssée, XVIII,135)

    Nous flottons entre divers avis ; nous ne voulons rien librement, rien absolument, rien constamment.  
    A qui aurait prescrit et établi certaines lois et certaine conduite en sa tête, nous verrions tout par tout en sa vie reluire une égalité de mœurs, un ordre et une relation infaillible des unes aux autres choses.


-- Tiré du Livre 2, chapitre 1 "De l'inconstance de nos actions"

Mon avis : S'il ne devait rester qu'un seul livre de philosophie, ce serait celui-là. Le texte est plein d'âme, plein de saveur, extrêmement bien écrit, et l'auteur est tellement vivant et sympathique qu'on ne sent pas les siècles de distance qui nous séparent de lui, ce qui nous autorise à l'avoir comme ami.

Aucun passage n'est ennuyeux, tout est plein. Et certains sont particulièrement intéressants, comme lorsque Montaigne raconte ce qu'il sait des peuples du Nouveau monde, récemment exploré. Bref, un très grand livre.


Recommandation : Le texte ancien est très beau, mais pénible à lire. Préférez une version en français moderne. Et si vous le lisez, ne le faites pas comme un roman. Lisez un petit bout de temps en temps, voire, ne lisez pas dans l'ordre.
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Message par Akenoï Dim 13 Nov 2016 - 19:28

Akenoï a écrit:
Lecture n°20 - 13/11/16


Titre : Islam et Christianisme : comprendre les différences de fond

Auteur : François Jourdan

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Date de publication : 2015

Genre : Débat et Société

Présentation : Le père François Jourdan est un prêtre catholique érudit, à la fois docteur en théologie, en histoire des religions et en anthropologie religieuse, et ancien délégué du diocèse de Paris pour les relations avec l'islam. Il est également islamologue et connaît bien l'Islam, d'autant plus qu'il a été missionnaire en Afrique.

Le livre qu'il nous présente est en faite une compilation de deux ouvrages précédemment édités, Dieu des Chrétiens, Dieu des Musulmans, paru en 2008, et la Bible face au Coran, paru en 2011. Étant donné le contexte récent, avec un retour en force du fait religieux dans la société, des débats de plus en plus clivants sur islam et laïcité, une radicalisation accélérée du monde musulmane et la menace toujours plus lourde d'actes terroristes djihadistes, le père Jourdan et son éditeur ont cru bon de rassembler en un seul ces deux ouvrages, qui paraissent plus que jamais d'actualité.

Ce livre propose de s'inscrire dans le débat interreligieux islamo-chrétien qui, aux yeux de l'auteur, paraît fondamental aujourd'hui, à la fois parce qu'il s'inscrit dans (l'effort croissant et) la mission apostolique de l’Église d'ouvrir l’évangile à tous les hommes, et en même temps parce qu'il n'a jamais été aussi important de comprendre l'islam, religion qui, malgré les coups de projecteurs qui lui sont portés sur la scène politique occidentale, semble finalement très peu connue.

Les deux ouvrages (qui sont extrêmement similaires sur la forme et le fond) partent donc du prémisse que les membres des deux religions ont posé leur dialogue interreligieux sur des conventions faites de malentendus. Les Musulmans pensent comprendre certains dogmes chrétiens (Trinité, conception de la Bible...), et les Chrétiens pensent comprendre certains dogmes islamiques (Jésus prophétique...), alors qu'en fait il n'en est rien. Et les deux partis, mais surtout les Chrétiens, semblent ne pas oser expliquer leur dogme par peur de frustrer une tentative de rapprochement qui veut se faire sur la base de points communs.
Au nom de ces points communs, de ce rapprochements, on n'ose donc pas explicité les différences, par peur taboue de frustrer la paix et l'unité.

Le père Jourdan, au contraire, pense que seul un dialogue franc et ouvert permet de construire un rapprochement, car l'hypocrisie (il n'emploie pas ce mot) ne permet rien. Au contraire, c'est en acceptant et en intégrant la différence que l'on apprend à mieux connaître l'autre (et à mieux se connaître soi-même), à le comprendre et à vivre en paix avec lui. Car le faux dialogue ne propose qu'une fausse paix.

L'ouvrage propose donc de reposer les bases du dialogue islamo-chrétien sur plus de franchise, en confrontant les différences doctrinales de fond qui opposent christianisme et islam sur plusieurs plans, notamment théologique.

L'ouvrage compare donc les points de discorde entre les religions, ce qui permet d'avoir une vue d'ensemble plus juste sur les deux points de vue, et de les mieux comprendre chacun.


Intérêt du texte : Le texte est intéressant dans la mesure où il propose à la fois un certain type de pratiquer le débat interreligieux et une discussion partisane qui s'inscrit dans ce débat.

Le père Jourdan, tout en explicitant de nombreux points de doctrine des deux points de vue, dont il démonte la fausse ressemblance, est en même temps un Chrétien convaincu, prêtre catholique. En même temps que son ouvrage amène des éclaircissements audacieux sur de nombreux sujets (la prophétie, la conception des écritures, la conception de la laïcité, etc.), il constitue une réfutation chrétienne de l'islam, toujours sur un ton éminemment respectueux.

L'ouvrage a comme intérêt de détruire les fausses compréhensions dans le dialogue islamo-chrétien.


Extrait choisi :

Dans les religions, ce qui est décisif, c'est ma vision que l'on a de Dieu, et le genre de relation que l'on a avec lui et qu'il a avec nous. L'originalité de l'Alliance biblique est que, dans le cadre monothéiste, elle empêche que Dieu soit écrasant pour l'homme par sa transcendance : l'Alliance n'atténue pas sa transcendance mais elle l'équilibre avec une relation de solidarité audacieuse et respectueuse pour l'homme, ce que l'intelligence humaine n'avait pas vu par elle-même car c'est une véritable audace. Maintenir la transcendance dans un type d'altérité respectueuse comme la solidarité de Dieu avec nous dans l'Alliance biblique est un point majeur et décisif de la révélation de Dieu que les hommes ne pouvaient pas inventer, car seul Dieu peut se révéler ainsi. Ils en sont d'ailleurs souvent choqués. L'Alliance permet la Bible par collaboration, fruit d'une collaboration humano-divine. Et elle permet l'Incarnation, Alliance aboutie dans sa plénitude et son audace. Ce qui paraît être l'erreur doctrinale majeure de l'islam, c'est l'absence de l'Alliance en contexte monothéiste, Alliance qu'il ignore ou lui semble impossible. D'où un Dieu dominant tout, y compris l'homme, ce qui est très piégeant pour les musulmans eux-mêmes et pour tous ceux qui sont en relation avec eux. Il y a là une rupture majeure avec les seules religions de l'Alliance que sont le judaïsme et le christianisme, confirmée par le fait que l'islam rejette la Bible qui leur est justement commune. Doctrinalement, l'islam est antérieur à l'Abraham biblique et à l'Alliance. C'est une perte considérable depuis le donné révélé biblique. Aussi, lorsque l'islam se prétend dans la continuité du judaïsme et du christianisme, il y a mal donne, confusion et incompréhension. Il est d'ailleurs contraint d'élaborer une autre "Torat" (Tawrât), et un autre Evangile (Injîl) supposés avoir existé alors qu'il n'y en a pas la moindre trace historique, et d'accuser juifs et chrétiens de falsification de leurs propres Ecritures pourtant si bien attestées par l'histoire. Comme on a pu le voir, au-delà de ces justifications recherchées, la vision que l'on a de Dieu n'est pas du tout innocente pour la vie pratique et la paix à bâtir en ce monde. Notre vision de Dieu est différente, et notre chemin aussi. Maintenant il nous faut travailler ensemble pour la vie du monde.


-- Tiré de La Bible face au Coran, chapitre 1 "Islam, religion de l'Alliance biblique ?"

Mon avis : Ce livre est venu s'insérer dans mon programme de lecture parce qu'il m'a été offert par un ami pour mon anniversaire. Sinon, je ne l'aurais pas lu, car je suis assez renseigné sur le sujet, et ai appris assez peu de choses avec ce livre.

Le livre est bien lorsqu'il s'agit de son positionnement : il faut confronter les doctrines qui séparent les religions pour assainir le dialogue, oui. Et le livre est renseigne très bien sur le lecteur sur un certain nombre de sujets (j'ai quand même repéré une ou deux erreurs factuelles, par exemple, la lapidation n'est pas mentionnée dans le Coran, contrairement à ce qui est affirmé). Mais globalement, c'est très bien pour un musulman qui connaît mal le christianisme, ou un chrétien qui connaît mal l'islam, ou un novice ignorant des deux.

Au-delà de ça, j'ai plusieurs reproches à adresser à ce livre.

Le tout premier, c'est qu'il est très répétitif. Il aurait pu être condensé en quelque chose de beaucoup plus court. On a souvent l'impression que la répétition des mêmes choses gonfle inutilement le livre.

Le second point, c'est que le père Jourdan utilise un certain nombres d'arguments qui m'apparaissent comme tout à fait arbitraires, et manquant de justification. Par exemple, sans aucune justification, il affirme que, contrairement à la tradition juive, la circoncision pratiquée en islam ne repose sur une aucune base religieuse ni spirituelle. Mais enfin, si tel n'était pas le cas, elle ne serait systématiquement appliquée par l'ensemble des musulmans ! C'est donc un fait religieux et spirituel. Ce genre d'argument arbitraire revient de temps à autre.

Ensuite, dans la continuité de ce deuxième point, le père Jourdan construit tout le livre sur la thèse suivante : l'islam n'est ni une religion biblique, ni une religion abrahamique. Cela pose problème, puisque, malgré certains éléments qui en effet démontrent un décalage entre les traditions, il nie l'évidence. L'islam est une civilisation éminemment biblique, et le Coran est un texte éminemment abrahamique. L'islam n'est pas une religion chinoise ou dharmique, elle puise dans le mysticisme sémitique. L'approche me paraît donc fondamentalement erronée, et d'autant plus cocasse qu'il range le judaïsme et le christianisme sous un toit commun qu'il oppose à l'islam, alors qu'un Juif rejettera lui aussi l'Evangile et le Christ comme étant quelque chose de fondamentalement anti-biblique.

Pour terminer, le livre est très sec spirituellement, au point que je l'ai rangé dans "Débat et Société" plutôt que dans "Religion et spiritualité". Les religions, ce sont à la fois des corps de doctrine, des civilisations, des hommes qui vivent une foi vivante, et une énergie spirituelle. Le père Jourdan évacue tout cela, réduisant les religions à des squelettes doctrinaires, étudiant un tas d'os plutôt qu'une forme de chair vivante.
Sa formation de théologien ne lui a pas rendu service, puisque tout le livre se construit sur l'extérieur plutôt que sur l'intérieur (l'expérience, le spirituel, etc.).

Ainsi donc, pas évident qu'il nie l'islam comme religion abrahamique. Plutôt que de "comprendre les différences de fond", qui sont en fait nourries de toutes sortes de préjugés de part et d'autres, de gens qui ont encroûté des doctrines en décalage avec l'esprit de base des fondateurs, ou avec la profondeur des Textes, le livre nous fait comprendre les "différences superficielles" entre les communautés, et ignore les cohérences profondes qui joignent tout ensemble la Torah, les Evangiles et le Coran.


Recommandation : Je pense qu'il y a mieux sur le sujet, mais ça peut être bien à lire pour certains musulmans ou chrétiens.
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Message par Akenoï Lun 14 Nov 2016 - 23:03

Akenoï a écrit:
Lecture n°21 - 14/11/16


Titre : Noces

Auteur : Albert Camus

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]

Date de publication : 1938

Genre : Philosophie

Présentation : Noces est un recueil de quatre essais écrits entre 1936 et 1937 :
_Noces à Tipasa, qui prend comme cadre les ruines romaines de Tipasa (Algérie)
_Le Vent à Djémila, qui prend comme cadre les ruines romaines de Djémila (Algérie)
_L'Eté à Alger, qui prend comme cadre le quartier français de Belcourt, à Alger
_Désert, qui prend comme cadre la ville de Florence (Italie)

Tout au long de ces quatre essais (qui ressemblent plus à des nouvelles qu'à des essais), Albert Camus essaie de dire la "vérité" du monde tel qu'il est.

Réagissant alors à l'esprit occidental qui privilégie l'esprit sur le corps, coupe l'être humain d'une interaction immédiate et authentique avec son environnement (la nature) et établit des religions qui font appel à des vérités au-delà du monde, Albert Camus affirme la vérité de ce qui est ici et maintenant, et révèle de manière poétique la puissance païenne de la nature. Il fait ainsi une éloge des noces entre l'homme et la nature, qui ne doivent faire qu'un.

La nature rétablit un rapport entre l'humain et une vérité fondamentale dans laquelle le fait humain, l'esprit humain, se dissout (sentiment que l'on peut en effet ressentir dans la nature). Le Vente à Djémila commence donc ainsi :

Il est des lieux où meure l'esprit humain pour que naisse une vérité qui est sa négation même.

Des textes athées, païens, pleins de révolte, qui proposent une réflexion poétique sur l'homme face à la nature et face à son terrible destin métaphysique : la mort.


Intérêt du texte : Le Texte s'inscrit dans une pensée existentialiste qui a marqué le siècle, et dont Camus est un des principaux représentants, et que Wikipédia résume ainsi :

L'existentialisme athée déclare qu’il y a un être qui ne peut être défini avant son existence, et que cet être, c’est précisément l’être humain. [...] Puisqu’il n’y a pas de Dieu pour le concevoir, pour lui donner une âme prédéterminée, puisqu'à l'aube de son existence, l’être humain n’est rien, son avenir lui appartient radicalement, ce qu’il est, ce qu'il sera lui appartient.

Le Texte illustre le lien très particulier qui unit Camus à sa terre d'Algérie, sa révolte, son humanisme et sa philosophie très réelle, très sauvage (dans le sens authentique).


Extrait choisi :

    Bien pauvres sont ceux qui ont besoin de mythes. Ici les dieux servent de lits ou de repères dans la course des journées. Je décris et je dis : « Voici qui est rouge, qui est bleu, qui est vert. Ceci est la mer, la montagne, les fleurs. » Et qu'ai-je besoin de parler de Dionysos pour dire que j'aime écraser les boules de lentisques sous mon nez ? Est-il même à Déméter ce vieil hymne à quoi plus tard je songerai sans contrainte : « Heureux celui des vivants sur la terre qui a vu ces choses. » Voir, et voir sur cette terre, comment oublier la leçon ? Aux mystères d'Éleusis, il suffisait de contempler. Ici même, je sais que jamais je ne m'approcherai assez du monde. Il me faut être nu et puis plonger dans la mer, encore tout parfumé des essences de la terre, laver celles-ci dans celle-là, et nouer sur ma peau l'étreinte pour laquelle soupirent lèvres à lèvres depuis si longtemps la terre et la mer. Entré dans l'eau, c'est  le  saisissement,  la  montée  d'une  glu  froide  et  opaque,  puis  le plongeon dans  le  bourdonnement  des  oreilles,  le  nez  coulant  et  la bouche amère - la nage, les bras vernis d'eau sortis de la mer pour se dorer dans le soleil et rabattus dans une torsion de tous les muscles ; la course de l'eau sur mon corps, cette possession tumultueuse de l'onde par mes jambes - et l'absence d'horizon. Sur le rivage, c'est la chute dans le sable, abandonné au monde, rentré dans ma pesanteur de chair et d'os, abruti de soleil, avec, de loin en loin, un regard pour mes bras où les flaques de peau sèche découvrent, avec le glissement de l'eau, le duvet blond et la poussière de sel.
    Je comprends ici ce qu'on appelle gloire : le droit d'aimer sans mesure.


-- Tiré de Noces à Tipasa


Mon avis : Un magnifique petit livre, très agréable à lire, et criant de vérité. Un petit peu pédant sur les bords.

Recommandation : Si vous devez choisir entre Noces et L'Etranger, préférez Noces.
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