-28%
Le deal à ne pas rater :
-28% Machine à café avec broyeur à grain MELITTA Purista
229.99 € 318.99 €
Voir le deal

Les lectures d'Akenoï

5 participants

Page 1 sur 2 1, 2  Suivant

Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Dim 8 Mai 2016 - 22:44

Bonjour.

Voici une nouvelle rubrique que je vais consacrer à mes lectures. Chaque fois que j'aurai achevé la lecture d'un livre ou d'un grand texte, je partagerai avec vous l'expérience que j'en ai eu. Je présenterai le texte, dévoilerai un extrait, et exposerai mon avis. Je fais cela parce que parler de mes lectures me donne envie de lire, alors que d'ordinaire je dois un peu me contraindre, et parce que cela peut vous être profitable.

Commençons donc par ma première lecture.

Lecture n°1 - 08/05/16


Titre : La République

Auteur : Platon

Date de publication : 4ème siècle avant Jésus Christ

Genre : Philosophie

Présentation : Platon est souvent considéré, aux côtés de Socrate et d'Aristote, comme le plus grand penseur de la Grèce Antique. Son influence sur le domaine de la philosophie et de la spiritualité, en Orient comme en Occident, est énorme, et la République est considéré comme son grand œuvre.
Ce long discours commence quand Socrate est invité à la table de Glaucon, un notable Athénien. Alors que les hommes conversent et boivent dans un esprit festif, les convives viennent à se poser une question : Qu'est-ce que la Justice ? Certains soutiennent qu'elle est source d'affliction, et d'autres la voient comme la mère de toutes les vertus. Socrate se propose alors de répondre à la question en fondant une cité idéale. En effet, les hommes sont comme des cités, et si l'on examine ce qui se passe dans une cité parfaite, et la place que la justice y occupe, on pourra par comparaison établir ce qui est bon pour les hommes en général.
Le livre répond donc à trois question : Qu'est-ce que la Justice ? Comment est fondée la cité idéale ? Et comment un homme doit-il conduire son existence ?
Dans son exposé, Platon, par la bouche de Socrate, modélise de manière théorique la première utopie politique. Avec une immense clairvoyance, il commence par considérer la cité comme un organisme vivant et dont la disposition des organes provoque la santé ou la maladie. Il nous convainc aussi que la cité est à l'image de l'âme individuelle, soumise à des affects et des passions, et il se propose de la rendre vertueuse en y privilégiant la culture des sciences humaines dès le plus jeune âge. Il conçoit alors un pays où tous les hommes sont libres, mais chacun à sa place, où tous sont des frères, et où la vertu est préservée et cultivée par des gardiens dévolus au bien du peuple. C'est la vision d'un philosophe roi et d'un homme rendu maître de son destin, tant individuel que collectif, par sa raison, que Platon nous livre dans cet essai politique primordial.


Intérêt du texte : La République est le premier ouvrage d'une série de traités politiques qui a construit la pensée humaine à travers les âges, et parmi lesquels ont peut citer La Cité Vertueuse, de Al Farabi, le Contrat Social, de Jean-Jacques Rousseau, et 1984, de Georges Orwell.  Ce livre fonde le genre utopique, celui qui consiste à imaginer la nation parfaite, mais dont les applications sont bien réelles dans le cours de l'histoire politique.
En ces temps troublés qui sont les nôtres, La République nous donne l'opportunité de prendre du recul sur notre situation actuelle. En faisant intervenir autour d'un banquet notables, hommes du peuple et philosophes, qui tous ensemble se concertent sur la manière juste de faire de la politique, on a envie nous aussi de se rassembler pour discuter des vrais problèmes autour d'une vision juste. Platon nous livre également des repères essentiels. La cité idéale, en cultivant le savoir, la responsabilité, la tempérance, et la justice de chacun de ses citoyens, permet à tous de se construire autour d'un idéal philosophique solide qui permet à chacun de vivre le plus heureux possible. Si nos hommes politiques, qui ne se cultivent pas, préférant s'adonner aux balivernes et aux frivolités, instillaient ce genre de réflexions antiques dans leurs projets, ils conduiraient certainement mieux les affaires de notre pays.


Extrait choisi : "Tant que les philosophes ne seront pas rois dans les cités, ou que ceux qu'on appelle aujourd'hui rois et souverains ne seront pas vraiment et sérieusement philosophes; tant que la puissance politique et la philosophie ne se rencontreront pas dans le même sujet; tant que les nombreuses natures qui poursuivent actuellement l'un ou l'autre de ces buts de façon exclusive ne seront pas mises dans l'impossibilité d'agir ainsi, il n'y aura de cesse, mon cher Glaucon, aux maux des cités, ni, ce me semble, à ceux du genre humain, et jamais la cité que nous avons décrite tantôt ne sera réalisée, autant qu'elle peut l'être, et ne verra la lumière du jour."

-- Tiré du livre V.

Mon avis : Un texte essentiel dans l'histoire de la pensée de la pensée humaine, au même titre que la Bible ou le Coran. Certains propos que tient Platon dans son ouvrage sont discutables (il propose une politique eugéniste), et d'autres paroles sont un peu surannées, mais ce livre ancien de 2.400 ans reste d'une extraordinaire fraîcheur, et est un vrai délice pour l'intellect.

Recommandation : Si vous en avez l'occasion, lisez-le. Mais si vous n'avez pas le temps de le lire, ou qu'il vous paraît trop lourd, lisez plutôt des extrait, ou écoutez des émissions à son sujet.


Dernière édition par Akenoï le Lun 9 Mai 2016 - 14:15, édité 2 fois
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Frite Rustique Lun 9 Mai 2016 - 9:03

Bonne idée, c'est intéressant, et en plus tu fais ça bien ! Par contre je trouve que le orange n'est pas terrible comme couleur de police pour la lisibilité.
Frite Rustique
Frite Rustique
Immortel du forum
Immortel du forum

Masculin
Messages : 10481
Date d'inscription : 06/02/2013
Age : 31
Humeur : Affamé

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Lun 9 Mai 2016 - 14:15

Merci pour le retour, Frite. Voilà, j'ai édité dans des tons plus neutres.
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Lun 9 Mai 2016 - 22:23


Lecture n°2 - 09/05/16


Titre : Les Gathas

Auteur : Zarathoustra

Date de publication : Quelque part entre le 13ème et le 6ème siècle avant Jésus Christ.

Genre : Religion et Spiritualité

Présentation : Les Gathas sont un ensemble de 17 hymnes attribués à Zarathoustra. Zarathoustra est le prophète-fondateur de la très ancienne religion zoroastrienne, qui existe encore aujourd'hui. Né en Asie Centrale aux alentours (à quelques siècles près) de l'an Mil avant Jésus Christ au sein d'une famille de prêtres, il initiera rapidement une révolution spirituelle au sein de la Perse et de l'Asie centrale. Grand réformateur, il proclamera qu'il n'y a qu'un seul et unique Dieu - Ahura Mazda - et condamnera le polythéisme, et il mettra en place un grand nombre de concepts propres aux religions monothéistes contemporaines : Paradis et Enfer, Jugement Dernier, Vie éternelle, Rétribution, Diable et anges, et Messie annoncé. Il engagera aussi ses fidèles dans une vaste entreprise d'amélioration du monde, et sera notamment responsable d'une grande réforme agricole.
La religion zoroastrienne, axée sur l'idée d'un dualisme entre le Bien et le Mal, enseigne que de bonnes pensées engendrent de bonnes paroles, et les bonnes paroles de bonnes actions, et que c'est en se purifiant soi-même du Mensonge qu'on vénère la Sagesse.
Les Gathas sont des textes qui ont été mis par écrit avant la Torah d'Israël. Ces 17 chants sont actuellement intégrés au livre sacré qu'est l'Avesta, et plus précisément, à sa partie liturgique. Comme ils sont, contrairement au reste de ce livre saint, directement attribués au prophète Zarathoustra, ils sont considérés comme le cœur des écritures et de la tradition zoroastrienne.
Ces chants, écrits en vers dans la langue avestique, sont des supplications envers le Dieu Ahura Mazda. Ils témoignent d'un intense dialogue intérieur entre l'homme et le Divin, et font écho à la souffrance du monde et à la fragilité du genre humain face aux épreuves imposées par le Diable.
Ces chants sont récités comme des prières, car ils donnent des repères essentiels aux croyants : le chemin du bien est celui de la Vérité, des Pensées bonnes, de la non-violence, de la préservation de la nature, du progrès universel du genre humain et de l'amour inconditionnel pour les être vivants. Le chemin du Mensonge, au contraire, mène l'humanité à l'auto-destruction et à l'enfer. A la clé de ces enseignements, il y a la promesse d'une vie éternelle dans le Paradis de Dieu, du châtiment des âmes corrompues, et d'un Jour ultime, appelé Jugement Dernier, où le Bien vaincra le Mal à tout jamais.
Les Gathas invoquent aussi les forces du Bien alliées de Dieu, comme Vohuman - le Saint-Esprit - et Armaiti - la Vierge Céleste - contre les forces du Mal. Les Gathas honorent également les compagnons de Zarathoustra, qui accomplissent le bien et l'enseignent à tous les hommes.


Intérêt du texte : Les Gathas font partie des grands textes qui ont marqué l'aventure spirituelle de l'humanité, comme le Rig-Veda, le Coran, le Tao-to-King ou les Évangiles. Mais au-delà de leur simple intérêt historique, ils constituent un texte lumineux qui tracent de manière très simple un chemin de sainteté que tous les hommes sont appelés à emprunter. Il insiste sur la nécessité d'avoir un état d'esprit positif, qui rejette la colère et le désespoir, pour améliorer le monde. Et malgré l'archaïsme de ce texte, qui est très ancien, il semble plus parachever les religions modernes que les précéder. En effet, tout en parlant un langage familier à l'esprit occidental, il traite de thèmes qui sont bien plus urgents et d'actualité en l'an 2016 qu'à n'importe quel autre moment de l'histoire : la nécessité de préserver l'environnement, celle de stopper l'auto-destruction de l'humanité, celle de cultiver le bien-être dans un monde en souffrance, de défendre la justice dans un monde corrompu, et de participer au progrès universel qui fait avancer l'humanité.
Cet intérêt du texte est d'ailleurs très remarqué en ce moment, puisque pour la première fois depuis 2000 ans, des vagues spectaculaires de conversion à cette religion antique ont été observées, notamment en Iran, au Kurdistan, au Brésil ou aux États-Unis, car les enseignements de Zarathoustra attirent de nombreux déçus du christianisme et de l'islam.


Extrait choisi : "Le professeur malfaisant déforme les paroles des écritures religieuses et fait dévier l'humanité de son chemin avec ses faux enseignements. Il nous prive de notre précieux héritage de vérité, de droiture et de pureté. Ainsi contristé dans mon esprit, je t'appelle, ô Seigneur de la Sagesse. Et je t'appelle, ô Asha. Puisses-tu nous protéger.
Cette personne que j'ai mentionnée dénonce comme un méfait le fait de contempler le Soleil et la Terre avec respect, car elle déforme les enseignements religieux. Elle convertit les esprits purs en serviteurs du mensonge, elle détruit la nature, et elle prend les armes contre les gens de bien."


-- Tiré du Yasna 32

Mon avis : Un texte lumineux et profondément émouvant, à la fois très simple et très riche sur un plan spirituel. Un vrai guide à méditer tout au long d'une vie d'épreuves, une infusion de sagesse accessible à tous, et un message d'espoir à l'adresse de chacun.

Recommandation : Le texte est difficile à trouver en français comme en anglais, mais il est très beau et très profond, en plus d'être historiquement important. Si vous mettez la main dessus, lisez-le.


Dernière édition par Akenoï le Sam 18 Juin 2016 - 16:29, édité 1 fois
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Chaton Mar 10 Mai 2016 - 8:21

Je lis cela plus tard Akenoï Wink

Je vais m'y tenir car comme les textes de Rush que je reporte de lire à chaque fois Crying or Very sad
Chaton
Chaton
Immortel du forum
Immortel du forum

Masculin
Messages : 16806
Date d'inscription : 01/02/2013
Age : 39
Humeur : Sympathique ^^

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Mar 10 Mai 2016 - 22:48

Pas de soucis Chaton.

Tiens, à propos.


Lecture n°3 - 10/05/16


Titre : La Table d’Émeraude

Auteur : Hermès Trismégiste

Date de publication : Remonte probablement à l'Egypte hellénique.

Genre : Esotérisme

Présentation : La Table d’Émeraude est un texte mystérieusement surgi du Moyen-Orient aux alentours du VIème siècle. Rapportée par un commentateur arabe dans le Kitab sirr al-Halika, le Livre du Secret de la Création, il sera traduit en latin aux alentours de l'An Mil, et passera ainsi dans le monde occidental.
Ce minuscule texte deviendra alors la "Bible des Alchimistes", le texte fondateur de l'alchimie occidentale. Étudiée et commentée du Moyen-Age à nos jours par certains des plus brillants esprits d'Occident, comme Sir Isaac Newton, père de la théorie de la gravitation, qui en proposera une traduction, elle a longtemps été un objet d'étude très sérieux pour les scientifiques.
La Table d’Émeraude, divisée en 13 segments, est un texte issu de l'antique philosophie hermétique, qui se proposait de mettre à jour le fonctionnement secret de l'univers. La Table contient des instructions à suivre pour obtenir la production d'un miracle : la transmutation des éléments. Elle se base sur l'idée que tout étant issus de l'Un, en accédant à l'unité primordiale de la Création, il est possible de modeler l'univers à sa volonté. Des générations entières d'alchimistes ont étudié ce texte croyant y percevoir le secret nécessaire à l'obtention de la pierre philosophale, qui transforme le plomb en or, et accorde l'immortalité à son possesseur.
L'auteur de la Table serait Hermès Trismégiste, qui signifie Hermès le Trois Fois Grand. Cet individu est à l'origine un personnage syncrétique qui est à la fois le dieu égyptien Thot - le Dieu des scribes - et le dieu grec Hermès - le Messager des dieux. Mais de nombreux auteurs chrétiens ont vu en lui le prophète biblique Enoch, le premier des Philosophes, qui aurait annoncé la venue du Christ. Baha'u'llah l'identifiera également comme correspondant au prophète coranique Idriss, ce qui ferait de la Table d’Émeraude un livre sacré issu de la révélation divine.


Intérêt du texte : La Table est un condensé de la doctrine hermétique, un mouvement très mal connu de l'Antiquité moyen-orientale. Ce texte porte en lui les échos de plusieurs époques : l’Égypte antique, la Syrie hellénisée, l'âge d'or islamique, la Renaissance européenne, etc. Son intérêt historique est évident, mais sa portée symbolique est immense.
C'est un livre de secret qui renferme en quelques lignes l'équivalent d'une vie d'études. Peut-être contient-il en effet quelque savoir miraculeux qui vous prodiguera une espérance prodigieuse.


Texte intégral : "Il est vrai, sans mensonge, certain, & très véritable : Ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut ; et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d'une seule chose. Et comme toutes les choses ont été, & sont venues d’un, par la médiation d’un : ainsi toutes les choses ont été nées de cette chose unique, par adaptation. Le soleil en est le père, la lune est sa mère, le vent l’a porté dans son ventre ; la Terre est sa nourrice. Le père de tout le telesme de tout le monde est ici. Sa force ou puissance est entière, si elle est convertie en terre. Tu sépareras la terre du feu, le subtil de l’épais doucement, avec grande industrie. Il monte de la terre au ciel, et derechef il descend en terre, & il reçoit la force des choses supérieures et inférieures. Tu auras par ce moyen la gloire de tout le monde ; et pour cela toute obscurité s’enfuira de toi. C'est la force forte de toute force : car elle vaincra toute chose subtile, et pénétrera toute chose solide. Ainsi le monde a été créé. De ceci seront & sortiront d'admirables adaptations, desquelles le moyen en est ici. C’est pourquoi j'ai été appelé Hermès Trismégiste, ayant les trois parties de la philosophie de tout le monde. Ce que j’ai dit de l'opération du Soleil est accompli, et parachevé."

Mon avis : Un texte difficile à lire, opaque, mais qu'on a envie de remuer dans tous les sens comme un rubik cube, car on sent que derrière la Table, il y a une énigme à résoudre, et que sa solution nous donnera quelque chose de grandement profitable.

Recommandation : Vous ne l'avez pas lue ? Remontez-donc la page, et lisez. Cela ne vous coûtera qu'une minute, et vous vous coucherez moins bête.
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Sam 18 Juin 2016 - 12:32

Début d'une série de lectures consacrées à un auteur important mais pourtant méconnu du grand public : Paul Valéry, homme de lettres et (un peu) philosophe français du début du XXème siècle.


Lecture n°4 - 18/06/16


Titre : Monsieur Teste

Auteur : Paul Valéry

Date de publication : 1896 (La Soirée avec Monsieur Teste)
1926 (pour l'édition comprenant l'ensemble des écrits du recueil).


Genre : Littérature

Présentation : Paul Valéry commence sa carrière d'écrivain avec quelques menus poèmes de jeunesse écrits au tournant des années 1880. Se voyant incapable d'égaler Rimbaud et d'autres poètes fameux, il se retire de la poésie. La providence le mettra sur le chemin d'André Gide, grand écrivain français s'il en est, qui détecte en lui un potentiel et le pousse à écrire et publier.
Sous l'influence de Gide, Valéry écrira donc deux courts chefs d’œuvre qui le propulseront au-devant de la scène littéraire : L'introduction à la méthode de Léonard de Vinci en 1895, et La Soirée avec Monsieur Teste l'année suivante.
C'est ce dernier petit texte qui constitue le socle de cette lecture, car Monsieur Teste consiste à vrai dire en une augmentation de celui-ci par l'ajout d'autres textes complémentaires qui viennent préciser la pensée et l'art de Valéry à son sujet, et offrent des perspectives et variations toutes neuves sur ce texte de jeunesse.
Monsieur Teste, c'est un homme qui est maître de son Esprit, un pur être d'intellect. Je crois que la meilleure manière de se le figurer, c'est de s'imaginer qu'il s'agit d'une personnification du pur Intellect Occidental, qu'on aurait poussé au maximum de ses capacités.
Dans La Soirée avec Monsieur Teste, Valéry s'imagine en compagnie de cet homme fascinant qui semble naviguer entre le monde de sa puissante intellection et le nôtre - le monde réel -, ce dernier semblant entièrement s'absorber dans les pensées de Teste. "Comment ne pas s'abandonner à un être dont l'esprit paraissait transformer pour soi seul tout ce qui est, et qui opérait tout ce qui lui était proposé ?" Voilà comment Valéry exprime sa fascination pour son personnage, tout droit sorti du Ciel des Idées pour prendre la forme d'un homme fait de chair.
A ce texte publié dans la revue littéraire "Le Centaure" viennent d'adjoindre d'autres petites merveilles de littérature tantôt publiées elles aussi dans des revues, tantôt gribouillées dans des cahiers.


Intérêt du texte : Monsieur Teste, c'est idéalement celui que Saint-Exupéry, par la bouche de son Petit Prince, aurait appelé "une grande personne". C'est un être incapable d'émotions enfantines, comme en témoigne l'extrait suivant de La Soirée :

"_Nierez-vous qu'il y ait des choses anesthésiques ? Des arbres qui saoulent, des hommes qui donnent de la force, des filles qui paralysent, des ciels qui coupent la parole ?"
Monsieur Teste reprit assez haut :
_"Eh ! Monsieur ! que m'importe le 'talent' de vos arbres - et des autres !... Je suis chez MOI, je parle ma langue, je hais les choses extraordinaires. C'est le besoin des esprits faibles. Croyez-moi à la lettre : le génie est
facile, la fortune est facile, la divinité est facile... Je veux dire simplement - que je sais comment cela se conçoit. C'est facile.

Voilà qui aurait agacé le Petit Prince, lui qui était tant épris de sa rose. Et lui qui reprochait à une autre grande personne sur une petite planète d'aimer les chiffres plus que les choses qui se tiennent derrière elle. Ainsi est Monsieur Teste lui aussi.

J'entends sa voix baissée et ralentie qui faisait danser la flamme de l'unique bougie brûlant entre nous, à mesure qu'il citait de très grands nombres, avec lassitude. Huit cent dix millions soixante-quinze mille cinq cent cinquante...

Et dans la Lettre d’Émilie Teste, il ne peut s'émouvoir devant une fleur qu'en en citant son nom latin.

Monsieur Teste, c'est donc à la fois une Grande Personne à la Saint-Exupéry dans ce qu'elle a de plus pur, et c'est aussi (puisque ces deux choses ne font qu'une) l'incarnation du plus pur Intellect qui caractérise le monde occidental.

Et pourtant, cette créature honnie par les enfants a, sous la plume de Valéry, une vigueur cosmique, un entrain, un charme poétique redoutable qui nous le fait aimer dans toute sa singularité. Avec Valéry, nous touchons presque matériellement une partie de notre âme de citoyen de l'Occident, et nous sentons en fait à quels points nous autres sommes étranges.


Extrait choisi :
_"La science ! Il n'y a que des savants, mon cher, des savants et des moments de savants. Ce sont des hommes... des tâtonnements, des nuits mauvaises, des bouches amères, un excellent après-midi lucide. Savez-vous donc quelle est la première hypothèse de toute science, l'idée nécessaire de tout savant ? C'est...
que le monde est mal connu. Oui. Or, on pense souvent le contraire ; il y a des instants où tout paraît clair, - où tout est plein, sans problèmes. Dans ces instants, il n'y a plus de science - ou, si vous voulez, la science est accomplie. Mais, à d'autres heures, rien n'est évident / ne se suit /, il n'y a que lacunes, actes de foi, incertitude ; on ne voit que des lambeaux et d'irréductibles objets, de toutes parts.
Comme on s'est plus ou moins aperçu de tout ceci - on cherche le moyen de passer, à coup sûr, du second état dans le premier, et de transformer à volonté l'esprit inquiet d'un moment en le possesseur tranquille de tout à l'heure. Mais il y a un peu de folie concernant / approchant / ce désir."


-- Tiré du Nouveau Fragment relatif à Monsieur Teste

Mon avis : Un texte difficile à comprendre et plein de vanité, voire un texte absurde (d'ailleurs, Valéry ne semble-t-il pas annoncer le mouvement littéraire de l'Absurde ?), mais fort bien écrit et plein d'esprit. Il dresse le portrait nécessaire de l'Occident, mais si Valéry avait infusé sa pensée en Orient, le texte aurait eu vraiment de quoi nous enrichir dans nos profondeurs.

Recommandation : Peut énerver.
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Dim 19 Juin 2016 - 15:44


Lecture n°5 - 19/06/16


Titre : Variété I

Auteur : Paul Valéry

Date de publication : De 1895 (date de publication su plus ancien texte :Introduction à la Méthode de Léonard de Vinci) à 1924 (pour l'édition comprenant l'ensemble des écrits du recueil).

Genre : Littérature

Présentation : La série des 'Variété', dont il existe cinq volumes, consistent en des recueils hétéroclites de courts textes écrits par Paul Valéry tout au long de sa carrière. Ces textes présentent tous la particularité d'avoir été commandés à Paul Valéry. En somme, si on ne les lui avait pas demandés, il ne les aurait pas écrits, nous avoue-t-il.
Dans Variété I, on trouve tout d'abord trois textes regroupés en un corpus intitulé La Crise de L'Esprit, qui présente des réflexions sur l'âme européenne au début du XXème siècle (époque troublée donc). On y trouve aussi quelques écrits sur des pièces littéraires diverses (un avant-propos pour un recueil de poèmes quelconque, une revue d'une fable de La Fontaine, une autre d'une pensée de Pascal, etc.), ainsi qu'un des textes majeurs de la jeunesse de Valéry : L'Introduction à la Méthode de Léonard de Vinci, précédée d'une longue note de Valéry qui commente ce dernier texte à peu près trente ans après l'avoir écrit, et le redécouvre avec un esprit plus mûr.
Variété I est donc un ensemble hétérogène que liront ceux qui aiment à entendre Paul Valéry discuter de tout et de n'importe quoi, pourvu qu'il s'exprime.


Intérêt du texte : Variété I nous plonge tout entiers dans la pensée de Paul Valéry. En le lisant examinant divers objets, on entre dans sa manière de considérer les choses. En somme, Valéry nous montre davantage les rouages de sa pensée, la force qui les actionne, et leur manière de fonctionner, que les objets (peintures, actualité, livres...) auxquels ils s'appliquent, et qui sont presque secondaires.
Valéry est un écrivain de l'aventure intérieure, un homme qui s'amuse plus de comprendre la manière dont son âme - et dont l'âme collective de l'Europe - fonctionne (comment elle imagine, comme elle conçoit, comme elle crée des espaces virtuels, etc.) qu'il ne s'amuse du monde qui l'entoure effectivement. Il construit ses textes d'abord sur son intériorité, puis il livre sa pensée à l'occasion du commentaire de telle ou telle chose.
Dans Variété I on trouve aussi des réflexions essentielles sur la manière dont fonctionne l'Esprit européen, notamment dans la Crise de l'Esprit.


Extrait choisi : En résumé, il existe une région du globe qui se distingue profondément de toutes les autres au point de vue humain. Dans l'ordre de la puissance, et dans l'ordre de la connaissance précise, l'Europe pèse encore aujourd'hui beaucoup plus que le reste du globe. Je me trompe, ce n'est pas l'Europe qui l'emporte, c'est l'Esprit Européen dont l'Amérique est une création formidable.
Partout où l'Esprit Européen domine, on voit apparaître le maximum de besoins, le maximum de travail, le maximum de capital, le maximum de rendement, le maximum d'ambition, le maximum de puissance, le maximum de modification de la nature extérieure, le maximum de relations et d'échanges.
Cet ensemble de maxima est Europe, ou image de l'Europe.


-- Tiré de la Note sur la Crise de l'Esprit

Mon avis : Des textes difficiles à lire. Je ne comprends pas la moitié de ce que Valéry écrit. Il parle de choses très abstraites avec un style très relevé, voire pénible, et un vocabulaire très général, ce qui demande un effort colossal pour se rendre compte de ce que Valéry cherche vraiment à dire. Pour ma part, je n'ai pas fourni cet effort, m'étant contenté de me laisser bercer par le rythme des phrases et de relever quelques remarques pertinentes.
Le livre est tout de même très intéressant, car il rend compte du fondement mental de l'esprit européen, et il l'explore de manière très intense et profitable. Ce livre a des chances, de fait, de passer à la postérité car il est très éclairant sur ces questions. Et aussi bien sûr, rappelons que Valéry écrit très bien.


Recommandation : Je ne recommande que la lecture de la Crise de L'Esprit. Le reste est beaucoup moins accessible.
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Dim 19 Juin 2016 - 20:49

Deuxième lecture de la journée :


Lecture n°6 - 19/06/16


Titre : La Jeune Parque

Auteur : Paul Valéry

Date de publication : 1917

Genre : Poésie

Présentation : Après avoir délaissé la poésie pendant de nombreuses années (près de vingt ans) parce qu'il se sentait insignifiant à côté des grands poètes français, Paul Valéry se remet à écrire en vers dès 1912 sous l'influence de son ami André Gide, qui s'apprête à publier quelques unes de ses œuvres de jeunesse.
Valéry commence alors la construction d'un long poème en alexandrins qui au bout de quatre ans de travail fastidieux et de corrections multiples, d'arrêts et de reprises, deviendra La Jeune Parque.
En 1914, alors que l'écriture piétine, la Première Guerre Mondiale éclate. Valéry, qui veut s'engager pour combattre, se voit refuser sa participation à la guerre à cause de son âge. Il en profite alors pour compléter son poème encore sans nom, et dans lequel entre alors en résonance les échos de cette Grande Guerre qui a secoué l'Occident jusque dans ses fondations.
Une fois achevé, en 1917, La Jeune Parque est un long poème de 512 vers, très mystérieux, qui privilégie la forme (tonalités, rythme, texture) au fond. Valéry dira de ce poème qu'il est comme une autobiographie.
La Jeune Parque (terme désignant une divinité tissant le destin des hommes) raconte à la première personne l'agonie d'une déesse mordue par un serpent après une nuit d'amour.


Intérêt du texte : La Jeune Parque est un grand moment de la Poésie française. C'est un poème extrêmement sophistiqué qui se prévaut d'un sens de l'esthétique très pointu. Sous la structure très opaque du texte, on sent que Valéry livre le contenu de son âme, enveloppé dans des soieries de beau langage. On sent aussi dans le texte l'écho dramatique d'une civilisation qui s'effondre. C'est véritablement un chef d’œuvre du XXème siècle, écrit dans un moment de déchirure entre deux époques.

Extrait choisi :
Ô mort, respire enfin cette esclave de roi :
Appelle-moi, délie !... Et désespère-moi,
De moi-même si lasse, image condamnée !
écoute... N’attends plus... La renaissante année
À tout mon sang prédit de secrets mouvements :
Le gel cède à regret ses derniers diamants...
Demain, sur un soupir des Bontés constellées,
Le printemps vient briser les fontaines scellées :
L’étonnant printemps rit, viole... On ne sait d’où
Venu ? Mais la candeur ruisselle à mots si doux
Qu’une tendresse prend la terre à ses entrailles...
Les arbres regonflés et recouverts d’écailles
Chargés de tant de bras et de trop d’horizons,
Meuvent sur le soleil leurs tonnantes toisons,
Montent dans l’air amer avec toutes leurs ailes
De feuilles par milliers qu’ils se sentent nouvelles...
N’entends-tu pas frémir ces noms aériens,
Ô Sourde !... Et dans l'espace accablé de liens,
Vibrant de bois vivace infléchi par la cime,
Pour et contre les dieux ramer l’arbre unanime,
La flottante forêt de qui les rudes troncs
Portent pieusement à leurs fantasques fronts,
Aux déchirants départs des archipels superbes,
Un fleuve tendre, ô mort, et caché sous les herbes ?


Mon avis : Un poème magnifique, bien qu'un peu sophistiqué. Il est dur à comprendre pour peu qu'on y veuille comprendre quelque chose dans un sens intellectuel. Mais d'un point de vue esthétique, il offre de grandes sensations à celui qui le lira. J'y ai vu de très belles choses. Un texte touchant et mystérieux, monument de la littérature française.

Recommandation : Il faut se sentir prêt avant de lire ce texte.
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par DrRush Lun 20 Juin 2016 - 14:53

J'ai pas encore lu les messages après ta quatrième lecture, il est possible que Monsieur Teste n'ait pas pris assez de claques étant petit, ta recommandation à propos du texte est juste je pense ^^
DrRush
DrRush
Floodeur
Floodeur

Masculin
Messages : 1510
Date d'inscription : 02/11/2014
Age : 30

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Lun 20 Juin 2016 - 16:09

Merci Rush.
De toute manière, c'est dans le titre : Monsieur Tête (teste a donné tête). Il pense, c'est un gros cerveau. Nous avons besoins de gros coeurs, pas de gros cerveaux. Heureusement pour nous, ce personnage n'est qu'imaginaire. Mais au moins, ce qui est bien, c'est que Valéry nous permet de le nommer, ce Monsieur. Maintenant, je peux le discerner et sentir son action dans quelque personnage bien réel ou bien vivant.

EDIT : et j'ajoute : d'accord pour les baffes xD
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Frite Rustique Mar 21 Juin 2016 - 20:49

Ah j'ai enfin eu le temps de te lire. Merci pour ces fiches, je connaissais Paul Valéry de nom (c'est le nom de la fac des lettres à Montpellier ^^), mais je n'avais jamais pris le temps de m'y intéresser.
Frite Rustique
Frite Rustique
Immortel du forum
Immortel du forum

Masculin
Messages : 10481
Date d'inscription : 06/02/2013
Age : 31
Humeur : Affamé

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par xaser Mar 21 Juin 2016 - 21:02

L'ange ne diffère du démon que par une réflexion qui ne s'est pas encore présentée à lui. Oeuvres (édition 1962) Paul Valéry
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
xaser
xaser
Immortel du forum
Immortel du forum

Féminin
Messages : 11362
Date d'inscription : 19/07/2015

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Mar 21 Juin 2016 - 21:04

Merci pour le retour, ça fait plaisir.
En fait je suis en train de lire un volume d'oeuvres complètes, donc environ 7 autres fiches vont arriver. Après, je vais passer à une série sur la Grèce ancienne.
Mais en tout cas, Valéry est un auteur très intéressant.

Le dernier film de Miyazaki (Le Vent se lève) a été inspiré par un de ses poèmes (le Cimetière Marin).

EDIT :@Xaser : on a posté en même temps. Merci pour la citation.
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Chaton Jeu 23 Juin 2016 - 21:17

Je lis cela lundi soir, lorsque je serai de garde Wink. Ça m'occupera bien ^^.
Chaton
Chaton
Immortel du forum
Immortel du forum

Masculin
Messages : 16806
Date d'inscription : 01/02/2013
Age : 39
Humeur : Sympathique ^^

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Dim 26 Juin 2016 - 0:01


Lecture n°7 - 25/06/16


Titre : Regards sur le monde actuel

Auteur : Paul Valéry

Date de publication : De 1931 (première édition) à 1942 (édition enrichie).

Genre : Essais

Présentation : Les Regards sur le monde actuel, c'est une compilation de textes souvent courts que Valéry a écrit à diverses occasions (en préface de livres, pour des conférences, pour des journaux ou pour lui-même) entre les années 1890 et 1940. Ces textes ont été regroupés autour d'un thème commun : l'observation de ce qui se passe dans le monde au moment où Valéry les écrit.
Dans ces petits essais, Valéry déploie d'abord une profonde capacité d'analyse, plongeant dans l'âme du monde comme s'il s'agissait de la sienne propre, et examinant les événements de son temps comme autant de processus psychiques ou cognitifs. Mais parallèlement, il est mu par une grande sensibilité pour ce qu'il nomme "l'Esprit", objet de l'aventure humaine par lequel l'homme s'augmente lui-même dans un ordre qui n'est pas celui de sa simple survie en tant qu'être vivant.
Cet Esprit, il le cherche dans le monde, il le tâte, le palpe, l'interroge. Valéry veut comprendre le monde humain, et il se rend conscient de tous les aspects de la civilisation humaine : ses arts, ses sciences, son histoire.
Ainsi, à partir de cette quête de l'Esprit, Valéry examine ce monde qui change, et les Regards expriment le choc profond d'un changement d'époque qui marque profondément Valéry. A plusieurs reprises, il évoque le changement complet et total de monde qui se produit entre le début et la fin du XIXème siècle. Les hommes, la terre, les idées, les techniques, les échanges, et surtout, le fonctionnement même du monde, sont soudain complètement et abruptement transformés en quelques décennies. Valéry a ainsi l'impression d'être un explorateur découvrant une nouvelle planète simplement en vivant dans l'époque qui est la sienne.
Les Regards rendent donc à la fois compte de ce monde nouveau, de cette nouvelle Terre, mais aussi de la manière dont l'Esprit s'en trouve affecté. Et de ce point de vue, Valéry exprime de profondes inquiétudes sur l'évolution de la civilisation humaine, qu'il sent périr, d'autant qu'il vit à une époque où de grandes catastrophes se produisent, avec la Première Guerre Mondiale, puis la Deuxième qui commence à poindre.
Le livre fait aussi état de la spécificité de la nation française en tant qu'entité culturelle de manière intéressante et remarquable.


Intérêt du texte : On l'aura compris : ce livre est un témoignage d'un homme à la fois perdu et émerveillé dans ce monde nouveau. Témoignage précieux, car Valéry sent qu'il est parmi les derniers d'une espèce de penseurs qui va se perdre, et il craint en effet la perte de l'Esprit et, même, d'une partie de l'âme humaine dans ce monde nouveau.
Ainsi, dans Notre Destin et les Lettres, il annonce qu'il va se produire "dans l'âge qui vient, une dépression des valeurs intellectuelles, un abaissement, une décadence comparables à ceux qui se sont produits à la fin de l'Antiquité". Et pour lui, il y a deux manières par lesquelles ceci se produira. Soit le monde entrera dans une période de destruction telle que la ruine des nations perdra notre culture (ce qui n'est pas sans rappeler cette grande peur qui sera ressentie lors de la Guerre froide, quelques décennies après la publication du livre, à cause d'un risque d'apocalypse nucléaire !). Soit "que, non plus les moyens de destruction, mais, au contraire, les moyens de possession et de jouissance, l'incohérence imposée par la fréquence et la facilité des impressions, la vulgarisation immédiate et l'application aux productions, aux évaluations et à la consommation des fruits de l'esprit, de méthodes industrielles, finissent par altérer les vertus intellectuelles les plus élevées et les plus importantes : l'attention, la puissance méditative et critique, et ce qu'on peut nommer la pensée de grand style [...]".
Les Regards constituent ainsi un livre que je trouve bouleversant qui nous interpelle sur notre décadence civilisationnelle et nous font miroiter l'espoir d'un monde mieux construit.
Par-delà ces considérations, Paul Valéry est un analyste visionnaire, qui semble presque percevoir notre époque : développement de l'influence américaine, raréfaction des grands écrivains, surabondance de publicités, etc. En lisant, on se rend compte que Valéry avait vu juste sur un grand nombre de points, par où l'on voit que ses analyses sont non seulement justes et fiables, mais aussi toujours d'actualité.


Extrait choisi :
L'homme moderne est l'esclave de la modernité : il n'est point de progrès qui ne tourne à sa plus complète servitude. Le confort nous enchaîne. La liberté de la presse et les moyens trop puissants dont elle dispose nous assassinent de clameurs imprimées, nous percent de nouvelles à sensation. La publicité, un des plus grands maux de ce temps, insulte nos regards, corrompt toute qualité et toute critique, exploite l'arbre, le roc, le monument, et confond sur les pages que vomissent les machines, l'assassin, la victime, le héros, le centenaire du jour et l'enfant martyr.
Il y a aussi la tyrannie des horaires.
Tout ceci nous vise au cerveau. Il nous faudra bientôt construire des cloîtres rigoureusement isolés, où ni les ondes, ni les feuilles n'entreront ; dans lesquels l'ignorance de toute politique sera préservée et cultivée. On y méprisera la vitesse, le nombre, les effets de masse, de surprise, de contraste, de nouveauté et de crédulité. C'est là, qu'à certains jours on ira, à travers les grilles, considérer quelques spécimens d'
hommes libres.

-- Tiré de Fluctuations sur la liberté

Mon avis : J'ai beaucoup aimé ce livre. Il est visionnaire, éclairant, et prodigue des conseils utiles pour nos contemporains.

Recommandation : Il faut lire ce livre. Au moins son avant-propos tout du moins. Il faudrait aussi trier les textes les plus intéressants. La toute dernière partie sur le Centre Universitaire Méditerranéen est tout à fait inutile, inintéressante et hors de propos, et je me demande ce qu'elle fiche là.
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Dim 26 Juin 2016 - 23:10


Lecture n°8 - 26/06/16


Titre : Une Chambre conjecturale

Auteur : Paul Valéry

Date de publication : Recueil composé au début des années 1890, mais publié seulement en 1981.

Genre : Poésie

Présentation : Chambre conjecturale est un recueil inachevé de poèmes écrits par Valéry dans sa jeunesse, avant sa grande crise qui l'éloigna plus de vingt ans de la poésie, et qui fut publié par sa fille Agathe près de trente ans après sa mort.
Le recueil se compose de petits poèmes en prose de style plutôt expérimental où Valéry s'amuse, semble-t-il, à dire sous formes de mots des impressions qui nous viennent souvent de manière confuse et indicible, comme l'effet qu'une texture ou une atmosphère peut avoir sur nous.


Intérêt du texte : Des phrases vraiment surprenantes qui nous font reconsidérer l'essence même de la réalité de manière relativement légère.

Extrait choisi :
Mr Rocher passait des journées à marcher en va-et-vient, les mains derrière le dos, parcourant l'enfilade. Un pas régulier. Il enfilait les portes une à une, en méditant, sous l'éclairage des persiennes rayé. Quelquefois, tout à coup, il voyait la lumière ; puis il la détruisait de nouveau en pensant. De même, il n'entendait pas le bruit du dehors, ni sa propre chanson et soudainement la ou le rencontrait. Une fois, il s'apercevait qu'un port fumait et qu'une lumière énorme existait dans ses fenêtres. Il allait se coller, regardait sans voir, et revenait marcher. Il marchait comme une pendule. Parfois il chantonnait.


-- Tiré de Mr Rocher en 18...

Mon avis : On sent que c'est une œuvre de jeunesse, car c'est un peu vert, et même un peu niais parfois. Je trouve le recueil globalement peu intéressant, sauf quelques bons mots, l'extrait choisi, et surtout le tout premier poème, d'où le recueil tire son nom : Une Chambre conjecturale, qui est très bien écrit et me donne même envie de faire de la poésie (c'est dire si c'est bien écrit).

Recommandation : A mon avis, dans Une Chambre conjecturale, il ne faut lire que le poème intitulé Une Chambre conjecturale.
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Dim 3 Juil 2016 - 22:48


Lecture n°9 - 03/07/16


Titre : Eupalinos

Auteur : Paul Valéry

Date de publication : 1921

Genre : Littérature

Présentation : Eupalinos est à l'origine  un texte commandée à Paul Valéry pour figurer en préface d'une anthologie sur l'architecture. Il s'agit d'un dialogue imitant les dialogues de Platon, et qui fait intervenir Socrate et Phèdre.
Socrate et Phèdre, qui sont morts et qui demeurent dans les sombres contrées éternelles qui s'étendent au-delà du trépas, se rencontrent fortuitement et se mettent à discuter de l'époque où ils étaient encore en vie, ressassant leurs souvenirs. Ils en viennent alors à parler d'architecture, et réfléchissent ensemble sur la nature de cet art en tant qu'il est, parmi tous, celui qui se comporte le plus comme l'esprit humain. Ainsi, la pensée humaine et l'architecture ne feraient qu'un, à ceci près que cette dernière se distinguerait par son domaine d'application : l'architecture est l'esprit humain en tant qu'il se focalise sur le bâti.


Intérêt du texte : Sur la forme, un très beau texte qui régénère la substance antique des anciens textes platoniciens dans un registre tout onirique et éminemment littéraire.
Sur le fond, un sommet de la pensée littéraire occidentale, où le verbe se développe par lui-même à l'intersection de l'objet et du sujet humain qui le considère. Paul Valéry nous interroge sur la manière dont l'esprit humain prend possession de l'existence, et le fait au travers de ce sujet proprement humain qu'est l'architecture.


Extrait choisi :
Un beau corps se fait regarder en soi-même, et nous offre un admirable moment : c'est un détail de la nature, que l'artiste a arrêté par miracle... Mais la Musique et l'Architecture nous font penser à tout autre chose qu'elles-mêmes ; elles sont au milieu de ce monde, comme les monuments d'un autre monde ; ou bien comme les exemples, çà et là disséminés, d'une structure et d'une durée qui ne sont pas celles des êtres, mais celles des formes et des lois. Elles semblent vouées à nous rappeler directement, - l'une, la formation de l'univers, l'autre, son ordre et sa stabilité ; elles invoquent les constructions de l'esprit, et sa liberté, qui recherche cet ordre, et le reconstitue de mille façons ; elles négligent donc les apparences particulières dont le monde et l'esprit sont occupés ordinairement : plantes, bêtes et gens... Même, j'ai observé, quelquefois, en écoutant la musique, avec une attention égale à sa complexité, que je ne percevais plus, en quelque sorte, les sons des instruments en tant que sensations de mon oreille. La symphonie elle-même me faisait oublier le sens de l'ouïe. Elle se changeait si promptement, si exactement, en vérités animée et en universelles aventures, ou encore en abstraites combinaisons, que je n'avais plus connaissance de l'intermédiaire sensible : le son.


Mon avis : Encore une fois, un texte très délicat et sophistiqué qui fait plaisir à lire mais qu'on a du mal à comprendre, ce qui lui donne l'impression d'être un peu pédant. Je pense toutefois que dans ce texte, il y a quelque chose de marquant qui nous fait découvrir quelque chose de nous-mêmes, quelque chose de merveilleux.

Recommandation : Pour les initiés et les littéraires. Si je n'avais pas acheté le livre d’œuvres complètes de Valéry dans lequel ce texte figurait, je ne l'aurais certainement pas lu, mais je ne regrette pas quand même de l'avoir lu.
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Mar 5 Juil 2016 - 22:28


Lecture n°10 - 05/07/16


Titre : L'âme et la Danse

Auteur : Paul Valéry

Date de publication : 1921 (écriture), 1923 (publication)

Genre : Littérature

Présentation : Tout commeEupalinos, L'âme et la Danse est l'objet d'une commande, celle de Henry Prunières pour La Revue Musicale. Et comme pour Eupalinos, il s'agit aussi d'un dialogue imitant ceux de Platon.
Celui fait intervenir Socrate (bien entendu), Phèdre et Eryximaque. Les trois hommes sont en train de banqueter lorsqu'une danseuse du nom de Athikté fait son apparition parmi les convives et se met à danser. S'ensuit une conversation sur la nature profonde de la danse.


Intérêt du texte : Ce texte est un éloge de la danse en tant qu'acte cosmique qui place le corps humain et son mouvement au coeur de la Création.

Extrait choisi :

Socrate


Eh bien, Eryximaque, puisqu'il n'est point de remède, peux-tu me dire, tout au moins, quel est l'état le plus contraire à cet état de pur dégoût, de lucidité meurtrière, et d'inexorable netteté ?

Eryximaque


Je vois d'abord tous les délires non mélancoliques.

Socrate


Et ensuite ?

Eryximaque


L'ivresse, et la catégorie des illusions dues aux vapeurs capiteuses.

Socrate


Oui. Mais n'y a-t-il point des ivresses qui n'aient point leur source dans le vin ?

Eryximaque


Certes. L'amour, la haine, l'avidité enivrent !... Le sentiment de la puissance...

Socrate


Tout ceci donne goût et couleur à la vie. Mais la chance de haïr, ou d'aimer, ou d'acquérir de très grands biens, est liée à tous les hasards du réel... Tu ne vois donc pas, Eryximaque, que parmi toutes les ivresses, la plus noble, et la plus ennemie du grand ennui, est l'ivresse due à des actes ? Nos actes, et singulièrement ceux de nos actes qui mettent notre corps en branle, peuvent nous faire entrer dans un état étrange et admirable... C'est l'état le plus éloigné de ce triste état où nous avons laissé l'observateur immobile et lucide que nous imaginâmes tout à l'heure.

Phèdre


Mais si, par quelque miracle, celui-ci se prenait de passion subite pour la danse ?... S'il voulait cesser d'être clair pour devenir léger ; et si donc, s'essayant à différer infiniment de lui-même, il tentait de changer sa liberté de jugement en liberté de mouvement ?

Socrate


Alors il nous apprendrait d'un seul coup ce que nous cherchons à élucider maintenant...


Mon avis : Ce texte m'a semblé bien plat et médiocre. Je n'attendais pas Valéry à un si faible niveau d'écriture. Il enfile les platitudes et les clichés comme des perles. Mais, quelques bonnes idées demeurent.

Recommandation : Bof. Je ne le recommande pas.
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Chaton Mer 6 Juil 2016 - 20:17

Akenoï, tu rajoutes encore des lectures! affraid

Il va vraiment falloir que je m'y mette un jour... Je m'excuse de n'avoir encore pu me pencher sur celles-ci silent
Chaton
Chaton
Immortel du forum
Immortel du forum

Masculin
Messages : 16806
Date d'inscription : 01/02/2013
Age : 39
Humeur : Sympathique ^^

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Mer 6 Juil 2016 - 21:19

C'est pas grave Chaton. Je les laisse surtout ici pour mon usage particulier, et constitue davantage une bibliothèque à votre usage que des lectures journalières. Tu peux lire ça quand tu veux, voire pas du tout même !

Je fais encore 4 fiches sur Valéry.
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Chaton Jeu 7 Juil 2016 - 11:07

D'accord Akenoï Wink

Veux tu que je supprime les post entre les lectures, afin qu'ils soient les uns à la suite des autres? Après sans doute préfères tu garder les commentaires afin de débattre de chacune avec qui les lis et qui veut réagir ^^.
Chaton
Chaton
Immortel du forum
Immortel du forum

Masculin
Messages : 16806
Date d'inscription : 01/02/2013
Age : 39
Humeur : Sympathique ^^

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Jeu 7 Juil 2016 - 11:25

Même si enlever les commentaires est plus esthétique, ici c'est quand même un espace de discussion. Donc non merci Chaton.
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Sam 16 Juil 2016 - 15:47


Lecture n°11 - 16/07/16


Titre : Charmes

Auteur : Paul Valéry

Date de publication : 1922

Genre : Poésie

Présentation : Charmes est le plus connu recueil de poésie composé par Valéry. Le mot "charmes" lui-même décrit à la fois une forme de puissant envoûtement magique, et un attrait séducteur. Et le mot est bien fidèle au contenu du recueil puisqu'il restitue, à travers les poèmes, des impressions d'enchantement et de séduction produits par l'Esprit du monde sur celui d'une âme attentive.
Les poèmes sont en eux-mêmes composés dans des formes extrêmement classiques. Alexandrins, sonnets, règle des rimes... l'écriture n'est pas innovante, et ne se veut pas telle. De même, les motifs poétiques et mythologiques exprimés dans ces poèmes sont des formes éminemment classiques, inspirées du romantisme ou de la mythologie grecque.
Et pourtant, malgré la familiarité du décor et la rondeur de la forme, Charmes a fait beaucoup d'impression, puisque Hayao Miyazaki (avec Le Vent se Lève) et Hubert Reeves (avec Patience dans l'Azur) ont chacun puisé le titre de leur grand œuvre dans ce recueil de poèmes. Car ce qui distingue cette poésie de toute autre, c'est l'éminence de son style, l'intemporalité de ses figures, et son immense sophistication.
Ainsi Charmes est comme le chant du cygne de la poésie classique en France : le dernier recueil de ce genre avant la victoire de la poésie contemporaine, et aussi un des plus beaux.


Intérêt du texte : Un recueil plein de charmes qui donne beaucoup à penser sur le monde alentour. Je vois dans les figures de ces poèmes une force d'âme qui fait défaut aux objets qui nous entourent, produits de l'industrie, ou du décor de nos villes. Notre monde moderne a détruit le charme au profit du superflu, du mercantile et du fonctionnel. Une dose de Charmes nous rappelle ce que nous avons perdu, et devons regagner.

Extrait choisi :


Ces jours qui te semblent vides
Et perdus pour l'Univers
Ont des racines avides
Qui travaillent les déserts.
La substance chevelue
Par les ténèbres élue
Ne peut s'arrêter jamais
Jusqu'aux entrailles du monde,
De poursuivre l'eau profonde
Que demandent les sommets.

Patience, patience,
Patience dans l'azur !
Chaque atome de silence
Est la chance d'un fruit mûr !
Viendra l'heureuse surprise :
Une colombe, la brise,
L'ébranlement le plus doux,
Une femme qui s'appuie,
Feront tomber cette pluie
Où l'on se jette à genoux !


-- Tiré de Palme

Mon avis : Très beau. De la très grande poésie. Très raffinée.

Recommandation : A lire, sans doutes.
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Akenoï Mar 9 Aoû 2016 - 14:00


Lecture n°12 - 09/08/16


Titre : Album de vers anciens

Auteur : Paul Valéry

Date de publication : 1920

Genre : Poésie

Présentation : Comme son nom l'indique, il s'agit là d'une compilation de petites poésies en vers (à l'exception du tout dernier, L'amateur de poèmes, qui est en prose) composées par Valéry durant sa jeunesse, et dont certains sont par ailleurs inachevés. Le lecteur y trouvera donc des effusions poétiques dans un style très parnassien (l'art pour l'art).

Intérêt du texte : Cet album de vers anciens propose encore une fois des figures et des formes très classiques (motifs mythologiques, paysages de nature, alexandrins, sonnets). Dans cet ensemble assez quelconque, on trouvera cependant quelques mots fort marquants. Pour ma part, je retiens quatre vers :

"Quand mon cœur soulevé d'ailes intérieures
Ouvre au ciel en moi-même une autre profondeur
[...]
Je vois mon temple neuf naître parmi les mondes"


dans Air de Sémiramis.

Et dans un autre poème, Valéry nous parle, à propos du Ciel, du "grain mystérieux de l'extrême hauteur."

Quelques petits mots très précieux qui conviennent à des occasions spéciales. Prélevez-les et exploitez-les avec raffinement.


Extrait choisi :


Été, roche d’air pur, et toi, ardente ruche,
Ô mer ! Éparpillée en mille mouches sur
Les touffes d’une chair fraîche comme une cruche,
Et jusque dans la bouche où bourdonne l’azur,

Et toi, maison brûlante, Espace, cher Espace
Tranquille, où l’arbre fume et perd quelques oiseaux,
Où crève infiniment la rumeur de la masse
De la mer, de la marche et des troupes des eaux,

Tonnes d’odeurs, grands ronds par les races heureuses
Sur le golfe qui mange et qui monte au soleil,
Nids purs, écluses d’herbe, ombres des vagues creuses,
Bercez l’enfant ravie en un poreux sommeil !


-- Tiré de Eté

Mon avis : Assez quelconque, mais se lit bien.

Recommandation : Pas prioritaire.
Akenoï
Akenoï
A élu domicile sur le forum ;-)
A élu domicile sur le forum ;-)

Masculin
Messages : 734
Date d'inscription : 27/05/2015
Humeur : Entre éveil et béatitude.

Revenir en haut Aller en bas

Les lectures d'Akenoï Empty Re: Les lectures d'Akenoï

Message par Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Page 1 sur 2 1, 2  Suivant

Revenir en haut


 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum